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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Plaisance caressa le fin duvet gris qui avait repoussé sur le crâne tondu de madame de Balencourt. L'ancienne grande prieure fondit en larmes, baisant les mains de Plaisance, suppliant :
    – Te cacheras-tu afin qu'il ne puisse te retrouver, poser le regard sur toi ? Il hait les anges. Son seul but est de les détruire. C'est pour cela qu'il ne peut plus rien contre moi, j'ai refusé d'être un ange. Pour toi. Pour te préserver. L'imbécile ! grommela-t-elle. Mauvais comme tous les diables, mais imbécile ! Il ne sait pas. Sa mauvaiseté l'aveugle. Il ne sait pas que l'on peut sacrifier ses ailes par amour. Je l'ai fait, pour toi. L'abruti ! Fuis !
    Sans trop savoir ce qu'elle disait, s'en voulant de contribuer au cauchemar de folie de l'ancienne grande prieure, Plaisance s'entendit répondre d'un ton tendre et paisible :
    – Repose, ma chérie. Ne t'alarme. Dormons un peu, veux-tu ? Il ne peut rien, en effet. L'aurais-tu oublié ? Ce serait étonnant. Il ne peut m'atteindre, mes ailes sont si robustes. Souviens-toi. Elles nous ont portées l'une et l'autre si longtemps. Elles nous protégeront encore. Toi et moi. À jamais. Rien ne nous endommagera, ni lui ni personne. Je te l'assure. Nulle vilenie, nul sortilège, nulle odieuse magie ne peut rien contre nous. Endors-toi, ma chérie. Je veille.
    Un long soupir de fin de souffrance. Mélisende de Balencourt enfouit son visage dans le ventre de la jeune abbesse. Bientôt, un souffle calme. Elle reposait. Plaisance souhaita de tout cœur que ses rêves l'entraînent vers des jardins lumineux et peuplés de créatures légères et charmantes, ceux que sa sœur et elle n'avaient jamais connus. Elle la berça durant quelques minutes, certaine que madame de Balencourt percevait Élodie contre elle. Enfin, elle déposa un baiser sur son épaule et sortit.
    L'angoisse ne la rattrapa que lorsqu'elle verrouilla la porte derrière elle.
    1 Situés sous les genoux du cheval, qui correspondent aux poignets chez l'homme.
    2 Le plus grand romancier du Moyen Âge, qui écrivit entre 1160 et 1183, approximativement.
    3 Hommes de main.
    4 Pèlerine doublée de fourrure.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, février 1308, ce même jour, à la nuit
    Une nuit laiteuse s'était installée. L'étrange silence de la neige les environnait, seulement troublé par le bruit de leurs respirations, parfois par un hululement de chouette en chasse. Il ne s'agissait pas d'une simple absence de son. La neige semblait avaler tous les bruits pour les dissoudre et les annihiler.
    L'oreille aux aguets, ils progressaient l'un derrière l'autre, prenant soin de mettre leurs pas dans ceux qu'ils suivaient, de sorte à ce que l'épais tapis blanc conserve la marque d'une empreinte seulement. Avançant à reculons, Sidonie fermait la marche, balayant derrière eux à l'aide de branches de buis. Ainsi, la neige ne trahirait pas la direction qu'ils avaient prise. Urdin soufflait sous sa charge, emmitouflée dans une couverture. Il murmura :
    – On fait une courte halte avant d'franchir la porterie des Fours. L'est maigrelette mais pèse quand même son poids.
    De sous la couverture repliée en cocon, l'intéressée répondit d'une voix tendre :
    – Pose-moi. Je puis marcher.
    – T'es pieds nus et la neige nous monte à mi-mollets, Claire. T'inquiète, nous sommes bientôt rendus.
    S'adressant à Éloi, Urdin demanda pour la dixième fois :
    – T'es bien sûr de la cachette ? Si on v'nait à la trouver, à la traîner dehors…
    – Pour sûr, et j'ai pas chômé durant les nuits, compagnon. Avec Sidonie, on y a fait un p'tit nid douillet, à not'princesse, répondit le nain dans un large sourire édenté.
    – Personne t'a aperçu, t'en es bien certain ?
    – Ça fait vingt fois que j't'le répète.
    – Faut avancer, remarqua Sidonie. Vigiles tardera pas. L'temps qu'on l'installe…
    – Il aurait mieux valu pour vous tous me laisser dans le fardier, commenta Claire d'une petite voix.
    – T'es pas bien folle ? s'emporta Urdin. Pour qu'tu meures ?
    – De toute façon, je vais mourir, rétorqua-t-elle d'une voix paisible.
    – Comme nous tous, mais l'plus tard possible !
    Ils pénétrèrent dans l'enceinte grâce à la clef qu'avait façonnée Éloi à la barbe d'Agnès Ferrand. Ils contournèrent les cuisines, longèrent les celliers jusqu'aux caves. Éloi produisit une autre clef neuve en expliquant :
    – Not'brave cellier 1 manifeste un sacré penchant pour la

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