Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
moi tenions les cuvettes afin de recueillir le sang. Ils l'ont égorgé. Ses hurlements, madame… Comme ceux d'un enfançon. Interminables. J'ai fermé les yeux, prête à défaillir. Lorsque je les ai rouverts, j'ai vu l'extase, un indicible plaisir peint sur le visage de Blanche. Elle semblait en transe. Elle s'est précipitée vers l'animal, se faisant éclabousser par son sang. Volontairement. Je vous conjure de me croire. Ses épaules tremblaient de convoitise, de jubilation malsaine. Je… Ah, mon Dieu, me croirez-vous ? Je vous jure sur mon âme que je n'invente ni n'exagère, et que j'ai bien vu ce que je m'apprête à vous confier. Elle s'est relevée au prétexte de vider sa bassine pleine de sang dans la cuve et s'est signée. À l'envers ! cria presque la novice.
    Pour la première fois depuis le début de cette confession, madame de Baskerville plongea son dérangeant regard dans celui de la jeune fille.
    – De cela vous êtes certaine, sans réserve ?
    – Que je meure à l'instant si je vous ai mystifiée ou me suis trompée.
    – Juste ciel. C'est infiniment plus grave que je ne l'avais soupçonné. Vous m'avez accordé votre confiance. Je vous offre la réciproque en vous contant ceci : j'ai tout d'abord cru à une grotesque et monstrueuse mise en scène du meurtrier afin de nous égarer vers d'autres pistes, dont celle de la sorcellerie. Ce que vous me révélez de Blanche tend à me prouver que je me suis fourvoyée.
    Henriette Masson baissa les yeux, et serra sans même s'en rendre compte la main de l'apothicaire d'un geste peureux.
    – Que retenez-vous, ma chère ?
    – Je… euh… rien.
    – Je vous en conjure, dites-moi ce qui vous effraie tant. Elle ne peut plus rien contre vous.
    – En êtes-vous certaine ? implora une voix tremblante. C'est que… C'est qu'elle a proféré d'horribles menaces à mon endroit. Et si, par-delà la mort, elle…
    – Tant d'êtres m'ont menacée d'effroyables représailles, surnaturelles ou occultes. Je n'y ai jamais accordé d'importance. Ma foi est ailleurs, aussi leurs menaces ont-elles glissé sur moi. Tout comme moi, vous appartenez à Dieu, seulement à Lui. De quelle plus impénétrable armure pourriez-vous rêver ? expliqua madame de Baskerville d'une voix si paisible et assurée que le sourire revint aux lèvres d'Henriette.
    – Elle a tourné les yeux vers moi, des yeux de folle hallucinée. Elle a vu que je venais de percer son secret. Elle m'a adressé un petit signe de tête ironique. Deux jours plus tard, alors que je me penchais au-dessus du puits afin de tirer de l'eau, elle m'a poussée avec violence dans le dos, tout en me retenant au dernier moment par la manche, sans quoi j'aurais basculé. Telle une démente, elle a chantonné en se gaussant de moi : « Si tu ne te tais pas, gentille génisse, les pires souffrances vont t'échoir. Si tu ouvres ton vilain bec, je te le fermerai définitivement. Ce ne sont pas tes ridicules prières et tes stupides génuflexions qui y changeront. »
    – Voyez, que vous dis-je ? en profita Mary de Baskerville, afin de marquer un point qui rassure tout à fait la jeune fille. Si elle avait été si puissante, elle aurait frappé aussitôt, sans prétendre vous mettre en garde, sans tenter de vous effrayer ! À l'instar de ses congénères, Blanche fonctionnait sur la peur qu'elle inspirait à ses victimes.
    – Elle avait besoin de moi, contra Henriette sans grande conviction.
    – Comment cela ?
    – Elle occupait le dernier lit du dortoir, celui qui est poussé contre le mur. Moi, celui d'avant. Elle m'avait ordonné de prétendre qu'elle dormait à poings fermés lorsqu'elle disparaissait parfois à la nuit.
    Le petit menton rond trembla et Henriette avoua :
    – J'ai menti à notre maîtresse en affirmant que Blanche ne s'était jamais absentée. J'avais si peur d'elle.
    Une infinie tristesse fit venir les larmes aux yeux de madame de Baskerville. Elle prétendit s'intéresser à un point situé au loin afin de les dissimuler. Elle se reprit bien vite et déclara, ferme et douce :
    – Ma pauvre chérie, nous mentons tous par peur. (Baissant la voix comme si elle confiait un important secret, elle ajouta :) La recette infaillible consiste à se débarrasser un jour de la peur.
    – Cela se peut-il vraiment, madame ?
    – Bien sûr. J'en suis une preuve vivante. (Elle songea que c'était la première fois qu'elle s'accordait une telle confession.) Je vous l'accorde,

Weitere Kostenlose Bücher