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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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la pratique de ce salutaire ménage est longue et pénible. Cependant, avec de l'acharnement et beaucoup de bonne volonté, on y parvient.
    – Oh, madame, votre venue, cette discussion m'ôtent un poids affreux. Soyez-en remerciée à jamais ! s'exclama la jeune fille.
    – Qu'était ce liquide que vous avez versé sur le front de Blanche en tentant de dénouer ses mains en prière ? Vous lui auriez craché au visage, au lieu de vous recueillir.
    – Comment… Comment avez-vous appris cela ? s'alarma Henriette.
    Madame de Baskerville sourit en murmurant :
    – Les nouvelles voyagent vite. Votre réponse ?
    – De l'eau bénite mêlée d'angélique, afin que cette démone ne puisse revenir. Ma cousine, la charmante Adèle Grosparmi, secrétaire de l'abbesse, me l'a procurée. L'angélique est une plante sacrée. Je voulais être sûre, comprenez-vous. Quant aux mains jointes en prière, une maudite de sa sorte ne les méritait pas.
    – Je vous approuve. M'avez-vous tout révélé, chère Henriette ?
    – Certes, madame. Je n'ai rien retenu et m'en sens réconfortée.
    – Lorsque madame de Gonvray et moi-même serons venues à bout de ce mystère, lorsque nous aurons bouté ces effrois hors l'abbaye – ce qui ne manquera pas d'arriver –, je suggérerai, avec tout mon respect, à notre bonne mère de vous confier à moi pour entreprendre votre apprentissage en la magnifique science des simples et des potions.
    Un mignon visage extatique se leva vers la grande femme pâle.
    – Je serai l'élève la plus appliquée, la plus assidue, la plus scrupuleuse dont vous puissiez rêver, j'en fais le serment !
    – Mais… je n'en attendais pas moins, ma chère. Au demeurant, j'en attends même davantage : du talent en plus du reste, déclara madame de Baskerville avec le plus grand sérieux. Rentrez, à présent. Votre maîtresse de noviciat doit s'inquiéter de votre absence qui s'est prolongée plus que je ne le prévoyais. De grâce, offrez-lui mes excuses. Oh, et, Henriette, croyez en ma reconnaissance.
    – Madame… votre clairvoyance, votre connaissance des choses vont me permettre de dormir à nouveau en sérénité. Aussi, l'aide que j'ai pu vous apporter en révélant ce que je n'aurais pas dû taire par couardise n'est rien comparée à celle que vous venez de m'offrir. Mon âme est déchargée des vilains tourments qui la malmenaient et, avec l'approbation de notre bonne mère, l'univers de la science va s'ouvrir devant moi. La reconnaissance, immense, est donc mienne.
    La jeune fille se plia en révérence et s'éloigna d'une démarche sautillante qui évoqua à madame de Baskerville celle d'une petite fille ravie.
    Lorsqu'elle fut seule, l'apothicaire admit en son for intérieur que le monde réserve parfois de plaisantes surprises. Même ces bouquetiers, qu'elle avait jugés sinistres un peu plus tôt, lui paraissaient maintenant moins sombres. Après tout, les rhizomes et les graines rongeaient leur frein, attendant les premiers beaux jours pour frémir sous terre. Rien en ce lieu n'était mort, desséché. Tout était en dormance, en patiente attente. L'opiniâtreté de la vie dans ses plus infimes manifestations la grisa. Elle en était une autre démonstration, elle dont la mort aurait été pour beaucoup bienvenue.
    Elle tenta de chasser de sa mémoire le grand nez lourd, le front bas au-dessus duquel naissaient des cheveux d'un blond presque filasse, les petits yeux ronds et rapprochés, la bouche perpétuellement réprobatrice ou accusatrice. Elle s'efforça de repousser de sa tête le souvenir des phrases perfides destinées à duper, à rabaisser, à assassiner, les geignardises et les larmes dont le seul but était de faire plier lorsque le reste avait échoué. Sa mère. Isabeau. Mary n'avait hérité de cette femme dépourvue de bonté et d'intelligence mais pétrie de médiocres certitudes que le myosotis du regard. Dieu lui avait épargné le reste. Et lui ? Son père avait été si sensible à ces interminables cascades de sanglots, donnant dans le panneau en feignant de ne pas le voir. Haussant parfois le ton pour faire accroire qu'il était toujours maître chez lui, il s'était peu à peu transformé en valet, pliant l'échine avec une belle complaisance. Certes, elle était riche et lui sans fortune, mais de beau nom. Les grasses livres qu'elle apportait en dot avaient fait oublier sa laideur, sa perpétuelle acrimonie, sa sournoiserie et sa grande sottise. Sa

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