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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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jalousie maladive, également. Il n'y avait nul amour dans cette jalousie-là, nulle passion qui puisse expliquer les pernicieux stratagèmes de sa mère, à défaut de les faire pardonner. Étrange alchimie de fiel et d'envie. Haine contre toutes celles qui possédaient ce qu'elle n'avait pas et voulait pour elle. Pour elle seule. Car le monde autour d'elle n'existait que tant qu'elle pouvait s'en croire le pivot.
    Mary de Baskerville chercha un mot qui puisse résumer cette femme dont elle était sortie. Nocive. Elle soupira d'aise. C'était exactement cela : une enherbeuse de l'âme et de l'esprit. Elle étouffa un petit rire désespéré. Elle lui avait résisté ! Sans doute grâce au terrible exemple de ceux qu'elles avaient vus dépérir, s'amenuiser à son contact, jusqu'à ne devenir que des ombres qui se perdaient peu à peu dans la nuit intérieure qu'Isabeau avait sécrétée pour eux. Mortifère. Une engloutisseuse de vie et de lumière. Mary avait opté pour le seul salut qui lui restait : feindre la révélation, rejoindre un couvent, rester en vie. Car les autres étaient morts à force d'avoir été privés de vie. Son père, son frère, sa sœur cadette, sans oublier ce petit chien que sa mère traînait avec elle. Lui-même n'avait pas survécu au lent, au tenace anéantissement qu'elle tissait.
    Un jour… Un jour, Mary la confronterait, elle se l'était juré. Un jour, du ton impitoyable d'un juge, elle recenserait tous les saccages dont sa mère était coupable. Elle l'acculerait, la forcerait à voir, à confesser. Un jour, lorsque les cicatrices de ses multiples plaies ne lui démangeraient plus l'âme. Ce jour surviendrait-il ? Mary n'en était pas certaine.
    1 De « bêcher », « piquer du bec » est à l'origine du terme « bicher », qui signifie se réjouir.
    2 Charcutier qui s'occupe de préparer tous les morceaux du porc, notamment pour en faire des saucisses.

Manoir de Saint-Aubin-des-Grois,Perche, février 1308, ce même jour
    La nuit allait enfin tomber. Attentive complice qui ne lui avait jamais fait défaut. À bien y réfléchir, la nuit était suave et tendre, le jour cruel et à vif. Les hommes tuent le jour. À la nuit, ils sont incapables de reconnaître l'ennemi juré qu'ils auraient étripé un peu plus tôt. Les contours du jour sont si nets, si impérieux. On ne peut discuter avec le jour, il vous impose ses visions, ses couleurs et ses formes. Il vous inflige le sang, la vue de cette marée rouge qui grossit dans les rigoles d'une ville écrasée de soleil. On ne peut distinguer le sang de nuit, au point que l'on pourrait presque se convaincre qu'il ne s'est jamais répandu de chairs transpercées.
    Jeanne dormait, Aude également. Bienheureux sommeil des bienheureux. Lui, Arnaud, succombait parfois à une brève inconscience qui lui faisait espérer que, enfin, la mort cessait de le bouder. Il se réveillait, incapable de se souvenir d'un seul rêve, certain pourtant que ceux-ci avaient été terribles.
    Que voyait Jeanne ? Que sentait-elle, que comprenait-elle ? Sans doute fort peu puisqu'elle ne souhaitait pas qu'il en fût autrement. Jeanne, son indescriptible beauté. Une magnifique enveloppe vide. Pas vraiment. Une enveloppe seulement occupée par sa fille, la survie de sa fille. Il s'était encore trompé. Pourtant, lorsqu'elle était venue à lui, lorsqu'elle l'avait imploré de sauver Aude, promis l'invraisemblable en échange, il avait cru qu'elle était celle qu'il cherchait depuis un siècle. Elle ne s'était pas déshonorée, n'avait pas failli à ses engagements. Toutefois, Jeanne n'avait aucun désir de remplir le vide effarant qu'Arnaud abritait en lui. Durant ses brefs éveils, elle errait, un sourire aux lèvres, répondant à ses questions par de courtes phrases interchangeables. Une seule chose la fascinait, la ravissait aux anges, une seule : écouter le souffle paisible de dormeuse de sa fille. Elle pouvait demeurer des heures, à un pied du lit d'Aude, la tête inclinée sur le côté, les yeux clos de délice. Aude expirait, Aude inspirait. Aude ne hurlait plus. Aude vivait dans sa nuit confortable, un sourire aux lèvres. Lorsque l'enfante se réveillait, sa mère se précipitait pour déguster chaque seconde de conscience. Elle la serrait contre elle en gémissant de bonheur, la berçait comme une nouvelle née, lui murmurait inlassablement de charmantes bêtises. Jusqu'à ce qu'Aude se rendorme.
    Arnaud Amalric se leva de sa

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