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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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chaire sculptée et s'avança vers le feu moribond de la cheminée. Sans doute régnait-il un froid de gueux dans cette immense salle commune, si longue que les chandeliers et les torches ne parvenaient pas à dissoudre les ombres qui engloutissaient son extrémité. Il ne le sentait pas. Aux murs gris sombre de pierre étaient suspendus de pompeux portraits. De lui. À cheval ou devant la ville de Béziers, ou encore en Espagne. Lacérés, tous. Leurs lambeaux de toile pendants comme un permanent reproche. Il aimait s'être défiguré ainsi. L'un des rares bonheurs qu'il eût connu durant son attente : la lame de sa dague qui tranchait son visage, le souvenir peint de ses péchés, de sa meurtrière arrogance.
    Il ne pouvait pas soigner Aude, pas plus qu'il ne pouvait guérir cette Claire si chère au cœur de l'homme-loup. En revanche, il pouvait les faire dormir et apaiser toutes leurs souffrances. Il souleva le couvercle d'un coffre-vaisselier et récupéra au fond une cassette d'argent orfévrée. Il compta du bout de l'index les boulettes de pâte brun-vert qui s'y trouvaient encore. De l'opium qu'il achetait à prix d'or. Après tout, il était immensément riche de l'argent qu'il avait volé ou récupéré par jeu d'actes. Ainsi, Jeanne n'avait plus un sou mais l'ignorait. Il avait besoin de toute cette richesse, bien plus que ceux qu'il avait dévalisés. Lorsqu'il aurait entre les mains ce qu'il cherchait depuis si longtemps, la croix d'éternité, il leur offrirait à tous, en dédommagement, la vie éternelle ou, du moins, la non-mort, la paix des chairs, la fin des ravages du corps.
    Demain. Demain, il récupérerait le manuscrit où se trouvait la voie qui conduisait à son unique but.
    Bien sûr, Jeanne et Aude, après qu'il aurait véritablement soigné cette dernière, devraient partir. Sans doute n'y verraient-elles aucun inconvénient.
    Lui, déchargé de sa quête, enfin arrivé à sa destination, chercherait alors la compagne d'âme après laquelle il soupirait depuis si longtemps.
    Il ferma les yeux et leva le visage vers le plafond. À quoi ressemblerait-elle ? Ne surtout pas l'imaginer. Il l'avait tant imaginée. Il s'était tant fourvoyé. Sa plus jolie erreur resterait sans doute Jeanne. Il ne lui en voulait nullement. La faute venait de lui. De sa précipitation, de son manque de discernement. Sa pire erreur, en revanche, allait bientôt mourir. Anne. L'immonde vipère, retorse, pourrie jusqu'à la moelle. Si belle, si parfaite, si implacable.
    – Arnaud ?
    Il se retourna et sourit :
    – Ma merveilleuse ?
    – Aude dort en très grande paix. Dieu qu'elle est belle avec ses menottes mignonnement serrées sous son menton. On croirait un angelot ! Je doute que quelque chose puisse égaler sa joliesse. Ah, mon ami, je ne cesse de me répéter, mais je ne trouverai jamais le moyen de vous témoigner mon infinie gratitude.
    – Détrompez-vous, Jeanne, mon aimée. Vous voir heureuse, comblée lorsque vous la contemplez, est la seule récompense que je me souhaite.
    Elle n'eut pas le sentiment de l'avoir vu bouger lorsqu'elle sentit son bras qui enlaçait sa taille.
    Une autre femme. L'unique. Plus tard, pour l'éternité.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, février 1308, le lendemain
    Plaisance de Champlois considérait depuis un moment ses deux filles apothicaires en silence. Les informations que venait de lui asséner, sans ménagement, madame de Baskerville au sujet du probable passé maléfique de Blanche de Cerfaux, ou plus exactement d'une certaine Anne, l'avaient atterrée.
    – Se peut-il, murmura-t-elle enfin, que quelqu'une parvienne à tromper à ce point ?
    – Tout l'art de ces malfaisants peut se résumer en duperies, rétorqua Mary d'un ton paisible.
    – Mais… vous, Hermione… Vous êtes-vous un jour douté de l'effarant secret qu'elle dissimulait si bien ?
    – Je l'ai fort peu connue, ma mère. Elle était novice et de robuste constitution. Je ne l'ai donc même pas côtoyée afin de la soigner. Quoi qu'il en soit, une rude épine demeure plantée dans notre flanc.
    – Une seule ? Vous voilà bien insouciante, remarqua l'abbesse d'un ton crispé.
    – Si nous parvenions à extraire celle-ci, les autres tomberaient d'elles-mêmes, insista Hermione de Gonvray sans se démonter. La meilleure stratégie pour identifier le ou la meurtrière consisterait à remonter dans le passé de Blanche… Anne, qui qu'elle soit vraiment. Admettons que nos

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