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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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toute sa vie protégée par les murs d'un couvent, n'imaginait sans doute pas jusqu'où pouvait déraper la cruauté humaine.
    Au prix d'un effort que ressentit la jeune femme, l'hôtelière s'enquit d'une voix faussement raffermie :
    – Allez-vous à votre satisfaction ? Vous manque-t-il quelque chose que je m'empresserai de vous faire porter ? Je… Ne croyez surtout pas que la raréfaction des visites de vos anciennes sœurs, dont moi, traduit un manque d'amitié ou d'intérêt pour votre confort. C'est que… l'abbaye est sens dessus dessous.
    – Oh, de grâce, ne vous inquiétez pas, chère Marguerite, la pria Alexia en serrant ses mains entre les siennes. Cette relative solitude me permet de réfléchir tout mon saoul, raison de ma venue.
    Une fois l'hôtelière repartie, Alexia replongea dans ses pensées moroses. Elle était sans nouvelle d'Aimery et n'en recevrait pas tant que cette persistante neige ne fondrait, permettant le passage d'un messager. De surcroît, depuis sa terrible découverte en la chapelle Saint-Augustin, elle était tenue à l'écart de l'enquête. Que lui reprochait l'abbesse ? Son effroi justifié à ce moment ? À la vérité, elle ne jouissait pas du sang-froid d'Hermione, et encore moins de celui de madame de Baskerville, au sujet de laquelle elle se demandait ce qui coulait dans ses veines. Toutefois, elle possédait deux atouts de taille : n'étant pas religieuse, elle n'était pas soumise à la clôture. Cette liberté de mouvements pouvait lui permettre de se déplacer une fois la neige fondue, d'interroger, de rechercher à l'extérieur. Autre avantage, ses très futures épousailles avec le comte de Mortagne lui ouvriraient bien des portes.
    Elle jeta son mantel sur ses épaules, décidée à requérir audience de Plaisance de Champlois afin de lui offrir son aide, voire de la lui imposer.
    Hermione de Gonvray et Mary de Baskerville pénétrèrent derrière Suzanne Landais, la maîtresse de noviciat, dans une pièce de penderie, aveugle afin d'éviter que des nuisibles ne fassent un festin des atours qui y étaient remisés.
    Pédagogue, Suzanne Landais expliqua d'un ton enjoué :
    – Les vêtements, bijoux et autres effets personnels, tels que les nécessaires de toilette qu'abandonnent les entrantes avant de passer la robe de novice, sont nettement séparés de ceux des oblates, conservés dans une autre salle de penderie. La raison en est simple. En effet, il n'est jamais exclu qu'après quelques mois de noviciat, une dame se rende compte qu'elle n'était finalement pas faite pour notre vie de prière et de travail. Nous lui restituons alors toutes ses possessions. De surcroît, il s'agit d'éviter la confusion. Vous connaissez les modes. Certaines dames de la bonne société ont recours aux mêmes couturières et, le temps aidant, on ne peut exclure que l'une d'entre elles soit certaine d'avoir possédé telle robe alors qu'il s'agit de celle d'une autre, fort ressemblante. C'est aussi pour cette raison que j'ai tenu à ce que tous les objets soient étiquetés avec le nom de leur propriétaire, ajouta-t-elle, visiblement très satisfaite de son initiative.
    Fine mouche, Mary de Baskerville s'émerveilla :
    – J'aime tant l'ordre. Je vous le dis, en vérité, ma chère, les affaires de ce monde iraient bien mieux si tous étaient aussi ordonnés que vous.
    Suzanne accueillit ce compliment d'un petit mouvement de tête dont elle tentait de rendre la modestie convaincante.
    – Ainsi que nous vous l'avons annoncé, nous cherchons les effets de la défunte madame Blanche de Cerfaux. Sur ordre de l'abbesse.
    L'affliction se peignit sur le visage avenant de la maîtresse de noviciat.
    – Quelle horreur. Je n'en ai pas dormi ! Elle était si douce, si charmante. Dévote. Quelle magnifique sœur elle aurait fait. Doux Jésus, doux Jésus… Qu'elle repose en très grande paix.
    Hermione n'eut pas le cœur de détromper la brave Suzanne, tout en songeant au choc qui serait le sien lorsque la vérité sur madame de Cerfaux éclaterait en plein jour. À moins que l'on ne parvienne à l'étouffer, ce que l'apothicaire souhaitait de tout cœur. Les Clairets avaient eu récemment leur content de drames. Ils n'avaient guère besoin d'être à nouveau éprouvés. Quant à Mary de Baskerville, son sentiment n'avait pas dévié d'un pouce : si, à l'instar de Suzanne, les gens gobaient n'importe quelles billevesées pourvu qu'elles leur soient servies avec une moue

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