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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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qui essuyait son front ruisselant à sa manche de grosse toile.
    — Le Béguinage ! C'est la seule communauté de femmes où cette pauvre dame pourra trouver l'accueil et les soins dont elle a besoin.
    Les dames béguines s'entendent merveilleusement à soigner les malades...
    — Et tu crois qu'elles vont nous ouvrir leur porte, en pleine nuit, alors que la ville est en révolution et que nous avons plus l'air de truands que d'honnêtes gens ? Ce sont des dames nobles pour la plupart ou appartenant à des familles riches. Leurs grandes portes doivent être soigneusement fermées avec ce qui se passe car, après tout, elles sont peut-être en danger si la populace s'en prend aux classes dirigeantes comme cela en a tout l'air !
    — La populace, comme tu dis, les aime et les respecte car elles lui sont bien souvent secourables. Quant à ces grandes portes elles s'ouvriront si je vais avec vous. Mais il faut faire vite car je dois être de retour pour matines. Ces jeunes gens reviendront avec nous car bien entendu les dames béguines ne les accepteraient pas.
    — Nous ne voulons pas abandonner notre maîtresse en des mains étrangères, protesta Bérenger soudain dressé sur ses ergots comme un petit coq en colère.
    — Elle ne sera pas abandonnée et elle vivra. Si vous n'acceptez pas ce que je vous propose, elle mourra : choisissez mais choisissez vite !
    Pour toute réponse, Gauthier alla se rasseoir dans le bateau après y avoir étendu Catherine dont il garda la tête sur les genoux. L'abbé planta sa torche à un croc de fer et rejoignit Saint-Rémy et Bérenger qui embarquaient à leur tour. Un instant plus tard, la barque reprenait sa route sur l'eau calme de la Reie en direction du sud. Le chemin à parcourir était heureusement court et fut bientôt couvert, au grand soulagement de Gauthier qui s'efforçait d'étouffer de son mieux les gémissements de plus en plus fréquents de Catherine.
    Le Béguinage de la Vigne, fondé deux siècles plus tôt par la comtesse de Flandre, Jeanne de Constantinople, était un vaste enclos cerné de grands murs pardessus lesquels on pouvait apercevoir un foisonnement de grands arbres1. Il renfermait une église, vouée à sainte Élisabeth, un hospice et, alignées tout autour d'une grande prairie plantée d'arbres et de fleurs, les blanches maisons des Béguines. Chacune d'elles avait la sienne et, si elles obéissaient à l'autorité d'une supérieure que l'on appelait la Grande Dame, elles ne prononçaient pas de vœux éternels. Après deux ans de noviciat dans un couvent, elles recevaient chacune leur petite demeure et se pliaient sans autre serment à la triple règle de pauvreté, de prière et de travail.
    Dans les pays de Flandres beaucoup de veuves, de filles que l'on ne pouvait marier, choisissaient le Béguinage de préférence aux couvents réguliers parce qu'il était toujours possible d'en sortir.
    La barque s'arrêta sous le pont dont le grand portail d'entrée tenait toute la largeur. Les canaux de la Reie à cet endroit s'élargissaient et formaient un miroir d'eau dans lequel se miraient les longues chevelures pâles des grands saules. Le prieur des Augustins seul descendit et alla se pendre à la cloche...
    Il ne fut que très peu de temps absent et revint accompagné de deux femmes en robes noires et cornettes blanches qui portaient un brancard.
    1 Il n'a pas changé.
    Toujours empaquetée dans son froc de moine, toujours gémissante et secouée de spasmes convulsifs, Catherine y fut couchée mais quand Gauthier et Bérenger voulurent s'atteler aux mancherons de la civière, la plus grande des deux femmes s'y opposa.
    — C'est à nous de nous occuper d'elle, dit-elle calmement. Nous vous ferons savoir de ses nouvelles.
    — Dieu bénisse votre charité, dame Béatrice, dit le père Cyprien, et veuille que vous n'ayez pas sujet de la regretter.
    — Nous sommes pauvres et gagnons notre pain comme le plus humble manœuvrier de la ville. Qui donc pourrait nous vouloir du mal
    ? Aucun des ennemis de cette pauvre femme, en admettant qu'on la sache chez nous, n'oserait franchir notre seuil avec des intentions malveillantes. Je vous souhaite une bonne nuit, mes frères !
    Le vantail de bois se referma. Pour la première fois depuis des mois, Gauthier et Bérenger se trouvaient séparés de Catherine et en éprouvaient une souffrance. Un moment ils restèrent là, plantés devant cette porte qu'il leur était interdit de franchir, les yeux lourds de

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