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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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accentuait les ombres et les reliefs de son visage. Alors même que le jour n’était pas levé, il était déjà là. Insomnie ? Inspection matinale ? Il était matinal mais point frileux. Il était vrai que revêtu d’un mantel aussi chaud et aussi prestigieux !
    L’œil pétillant (c’était sa façon de sourire), le baron m’apostropha par mon patronyme et non par mon prénom. Mauvais signe :
    « Or donc, Brachet, où étais-tu cette nuit ?
    — Cette nuit ? Couché sur mon châlit, messire.
    — Couché sur ton châlit ? Vraiment ?
    — Oui, messire, vraiment.
    — Où vas-tu donc sitôt matin dans cette livrée et avec cette précipitation alors que prime n’a pas encore sonné ?
    — À l’écurie, messire.
    — Pourquoi cette hâte ? Pour soigner et étriller les chevaux ? Tu es bien prompt ce jour d’hui pour assurer tes corvées. Revêtu d’un aussi beau mantel ? Bien, Bertrand, bien. »
    Je le regardai, légèrement interloqué et inquiet :
    « Non, pour seller mon cheval, messire !
    — Le maréchal-ferrant est en train de s’en occuper : ta jument a perdu un fer. Cette nuit.
    — Cette nuit ?
    — Oui, Bertrand, cette nuit.
    — J’étais dans mon lit !
    — Peut-être, mais elle, elle n’était pas dans sa stalle.
    — Mais, mais… Ce n’est pas possible !
    — C’est non seulement possible, mais c’est ainsi ! » trancha le seigneur de Beynac, d’une voix sans appel.
    Je faillis en tomber sur le cul. Ça aurait fait mauvais effet. Je bredouillai :
    « Hier, j’ai vérifié la ferrure de ma jument : elle n’avait déchaussé aucun fer et leur usure était de peu.
    — Hier, peut-être. Pas ce matin. »
     
    En un éclair, je me revis chevauchant pendant la nuit, sous la neige, perdu dans une combe inconnue, puis réfugié dans une sinistre caverne. Non, pas possible. Ce ne pouvait être moi. Ce n’était qu’un rêve, aussi prégnant qu’il fût.
    Je soupçonnai aussitôt Arnaud d’être à l’origine de ce coup fourré. S’il s’était tenu devant moi, je crois que j’aurais été capable de l’étrangler de mes mains. Devant notre maître. Je n’en fis rien ; Arnaud n’était pas là. Mais le baron ne fut pas dupe :
    « Peut-être a-t-on emprunté ta jument hier soir ? Je l’ai aperçue franchir la barbacane du châtelet et galoper vers une direction qui ressemblait, à s’y méprendre, à celle de notre bastide royale…
    Vers le Mont-de-Domme ?
    — Hum… Ce ne serait pas impossible. »
    Je serrai les dents et murmurai tout bas : “le petit vaunéant !” Mon maître dut l’entendre. Il me provoquait pour voir si je serais capable de dénoncer mon meilleur ami. Il avait, entre autres qualités, l’ouïe fine :
    « Plaît-il, Bertrand ?
    — Euh… rien, messire.
    — Règle tes comptes directement avec Arnaud, je te prie.
    — Je ne demande que ça, messire, mais je crains de ne point l’avoir vu sur l’heure. » Il connaissait le coupable… Heureusement, je n’étais pas tombé dans le piège qu’il m’avait tendu ! Mal m’aurait pris de le dénoncer. Je détournai la conversation :
    « Messire, m’autoriseriez-vous à seller le cheval d’Arnaud en attendant que le maréchal-ferrant ait terminé son ouvrage ?
    — Pour vaquer où, Bertrand ? Tu n’as pris ni bouclier, ni lancegaye, ni revêtu de haubert.
    — Là où je vais, messire, sauf votre respect, je n’ai pas besoin de revêtir le grand harnois. Je pars quérir la dame de mon cœur.
    — Depuis combien de temps as-tu une dame dans ta vie ?
    — Depuis cette nuit, répondis-je trop hâtivement.
    — Je ne me souviens pas t’avoir donné la permission d’accueillir quiquionques dans ton logis. »
     
    Le seigneur de Beynac prenait visiblement plaisir à me retarder et à me soumettre à des questions malignes. Pour me laisser m’enliser dans des explications scabreuses. Je rougis violemment sous la torchère.
    Comment lui expliquer que je partais à la conquête du Graal ? Sans prendre le temps de réfléchir, je lui répondis tout de gob, pour masquer ma confusion :
    « Je n’ai couché avec personne d’autre que moi. J’ai simplement fait un rêve qui m’a écartelé en sautoir.
    – … Qui t’a écartelé en sautoir  ? N’était-ce pas plutôt un cauchemar ? »
    J’avais à peine prononcé cette réponse que je me mordis les lèvres. Aux mots “écartelé en sautoir”, le baron avait froncé les sourcils,

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