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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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le braquemart qui ne me quittait jamais et m’avançai, prêt à livrer un ultime combat auquel je savais ne point être préparé. Pour défendre chèrement ma vie et celle de ma jument.
    Mais tout aussi soudainement qu’elle s’était agitée, ma jument s’apazima, chassa bruyamment l’air de ses naseaux et inclina son encolure. En signe de soumission.
     
    C’est alors que je la vis. Sous le capuchon blanc couvert de neige, des cheveux d’une couleur de bouton-d’or et des yeux gris me sourirent timidement. La dague que je tenais fermement en main, m’échappa, heurta et rebondit sur le sol avec un bruit métallique. Le capuchon s’avança vers moi. Qu’il était beau son regard.
    Pas gris. Vert, de la couleur de l’émeraude la plus pure. Des émeraudes, je n’en avais jamais vu en vérité ; seulement sur des dessins aux tons un peu délavés. Vierge Marie, que c’était beau des yeux d’une eau aussi pure !
    Des pommettes rosies par le froid, un nez fin et une bouche charnue, sans excès, un cou long et mince, autant que je pusse en juger en raison de l’épaisseur du lainage qui la protégeait. Un visage d’un charme infini et d’une grâce exquise. Je gravai ses traits dans ma mémoire.
    Blèze, je bafouillai quelques mots :
    « Qui, qui êtes-vous, belle damoiselle ?
    — Une étrangère de simple passage, gentil damoiseau.
    — Par ce froid, par ce temps de gueux, que… que faites-vous là, céans ?
    — Je suis venue vous apporter des alumelles soufrées… et un briquet à étoupe.
    — Des alumelles ? Un briquet ? Mais, de grâce, d’où venez-vous, belle damoiselle ?
    — De loin, seigneur. De Guirande.
    — De Guirande ? Diable, où est-ce ?
    — Loin, très loin.
    — Comment vous nommez-vous ?
    — Isabeau, murmura-t-elle d’une voix douce et cristalline. Et vous messire ?
    — Brachet, Bertrand Brachet de Born, premier écuyer du baron de Beynac, pour vous servir », éructai-je assez stupidement en me redressant, tel un coq sur ses ergots.
    Ma réponse était d’une banalité affligeante en ces circonstances : à quoi pouvais-je bien lui servir dans l’état d’infortune misérable qui était le mien ? Emporté par mon élan, je déclarai :
    « Dieu, que vous êtes émerveillable ; soyez la bienvenue dans ma demeure, beauté de mon cœur. » Ma demeure ? Quelle demeure ? Cette sinistre caverne ? Je perdais la tête !
    Ses joues se colorèrent, plus rouges que des peneaux. Elle baissa pudiquement les yeux, puis se rapprocha timidement de moi. Je ne pus détacher mon regard de sa bouche, de ses lèvres plus finement ourlées que deux pétales de rose à la vesprée.
    Redressant la tête, elle me sourit à nouveau comme si elle partageait ma timidité, ma surprise, et me pardonnait mon manque d’à-propos.
     
    Je lui en sus gré et dès cet instant, je sentis une vague de chaleur enflammer mon cœur, inonder mon corps. Les alumelles, le briquet à étoupe que j’avais implorés dans ma détresse, étaient devenus des choses d’un dérisoire à faire pleurer.
    D’ailleurs, je pleurai, sans sanglot, doucement, calmement. La peur, l’angoisse se dissipèrent miraculeusement et mon esprit, encore peu rompu à l’adversité, s’abandonna à l’ivresse que m’apportait cette délicieuse présence d’une beauté inoubliable.
    Une main fine, à la peau lisse et plus blanche que la cape qui la recouvrait, me le tendit ce nécessaire pour affouer les brindilles. Les doigts étaient comme transparents, les ongles discrètement vernis. Les alumelles tremblèrent légèrement au bout de la main tendue à dextre, mais elles se rapprochèrent de moi, non sans une certaine hésitation.
    Cette fois, je ne pus contrôler quelques sanglots qui s’étranglèrent dans ma gorge. Elle en était émue et avança sa main à senestre pour me caresser la joue. Mais elle retint son geste au dernier instant. Peut-être pour respecter mon émotion et me montrer la tendresse dont elle était capable ?
     
    J’eus juste le temps d’apercevoir un sceau à ses armes, d’argent et de sable, écartelé en sautoir, le chef et la pointe partis, probablement la première de ces trois représentations, mais je n’étais pas très averti de la science des blasons armoriés.
     
     

     
     
    Je fondis en larmes, tombai à genoux en même temps qu’elle. Mes chausses se déchirèrent dans un crissement qui ressembla plus à un pet sorti de l’anus qu’à un cri

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