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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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mais il ne broncha pas. J’osai mentir effrontément et tentai de rattraper ma réponse en enchaînant aussitôt :
    « Messire, rêve ou cauchemar, je souhaitais simplement galoper sur la neige, pour me changer les idées. Le puis-je, messire ? Je ne suis point de service, ce jour d’hui. »
    Après un instant d’hésitation, le baron m’accorda la permission de quitter la forteresse. Mais il n’était pas dupe :
    « Cours jouer les troubadours et les poètes ; prends garde toutefois à ne pas te laisser écarteler par quelque sautoir que ce soit. Prends aussi quelques munitions », dit-il en me baillant une petite bourse, dont je me saisis avec une nonchalance affectée, sans pouvoir réprimer l’envie d’en faire sonner les sols et les deniers.
    J’avais tenté le tout pour le tout. Mes réponses avaient été folles, insensées. Elles avaient frisé l’insolence. J’étais trop haut à la main. Mais le baron savait parfois se montrer indulgent à mon endroit. Surtout s’il pensait que mes intentions demeuraient courtoises.
    Sa seigneurie m’avait donné l’autorisation de quitter le château. Elle me recommanda toutefois de rentrer dans les murs de la forteresse avant vêpres. Prime venait de sonner à la cloche de la chapelle située à l’intérieur de la deuxième enceinte.
    Je ne me le fis pas dire deux fois, le remerciai de sa générosité et me précipitai vers les écuries. Arnaud, mon compain d’armes, ne perdait rien pour attendre. Compain d’armes, mais pas compain de chambrée. Ni de chasse.
    Mais où diable s’était-il caché après son escapade, cet animal lubrique ? Le baron devait le savoir. Je me gardais bien toutefois de revenir sur mes pas pour l’interroger à ce sujet, sellai la jument d’Arnaud, ajustai la hauteur des étriers et sautai en selle.
    J’ordonnai aux sergents de garde de m’ouvrir séance tenante la porte de Boines qui donnait sur la campagne et sur la nuit blanche et froide, d’une voix forte que je tentai de ponctuer d’accents martiaux. Sans grand résultat.
    Naturellement, je ne pouvais pas voir le baron de Beynac, quelques pas plus loin, lever la main, leur faisant signe d’obéir à mes injonctions. Faute d’éperons, je talonnai des deux et, au mépris de toute règle, lançai le cheval d’Arnaud au galop dès que l’eus franchi le tablier du guichet.
    Arnaud n’était plus au centre de mes préoccupations. Nous réglerions nos comptes plus tard. Ce soir. Lorsque j’aurai retrouvé la dame de mon cœur. Isabeau de Guirande, l’amour de ma vie. Une voix, la voix d’un de mes illustres ancêtres, le chevalier Bertrand de Born, troubadour et guerrier, fredonnait à mes oreilles :
     
    Celui qui n’a vu l’amour en songe,
    Que sait-il, sans la vision de l’âme,
    De la vérité et du mensonge   ?
    Il nommera chimère l’image de cette Dame.
     
    Moi, comme une apparition mystique,
    J’ai vu en rêve la Dame de ma vie,
    Envoûtante, telle une lointaine musique,
    Elle était aussi belle que la Vierge Marie.
     
    Elle me délivre de la sombre mort
    En m’offrant le feu de sa lumière.
    Mais, ne pouvoir toucher ni voir son corps
    Est un mal qui me plonge en enfer.
     
    Ô Toi, entends ma voix, ô mon Dieu,
    Apaise mes souffrances, calme mes douleurs,
    Sèche ces larmes noires qui coulent de mes yeux,
    En me guidant vers mon âme sœur.
     
    Je me berçai d’illusions. Dans mon immense naïveté, je rêvais d’amour, de courtoisie, de générosité, de bravoure et d’esprit chevaleresque.
     
    Ma quête se révélerait semée d’embûches. Le chemin serait jalonné de complots, de trahisons, de moult morts, de félonie, de crimes et de sang.
    Le sang de pauvres ou de nobles gens lâchement occis.
     
    Que Dieu ait pitié de nos âmes   !

 
    Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.
     
    Apocalypse de Saint-Jean, 21   : 8
     
     
     
     
    Chapitre 2
    À Castelnaud-la-Chapelle, à Cénac, au Mont-de-Domme et aux Mirandes, à la fin de l’hiver de l’an de grâce MCCCXLV, à II jours des nones de mars {iv} .
     
    Après avoir quitté la forteresse de Beynac par la porte Veuve, tôt ce matin-là et au petit trot sur nos destriers harnachés dans leur houssure, nous recherchions, Arnaud et moi, un endroit où franchir la rivière Dourdonne à

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