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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Tessier
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réunies sans avoir leur patron sur le dos… Sylvie raconte l’anecdote du décollage à l’arrache de Genève, tout admirative de la manière dont son héros est parvenu à obtenir l’autorisation. Elle a repris ses mots : « Rien n’est impossible à Claude François. »
    Puis elle se dirige vers le plateau 15, pour saluer les techniciens. Elle les connaît presque tous, d’une émission à l’autre, ce sont à peu près toujours les mêmes. Rémy Grumbach, réalisateur de l’émission, vient de régler une séquence quand Sylvie s’approche de lui.
    — Alors, Claude va encore être en retard ?
    — On lui a dit qu’on commençait à 14 heures, esquive Sylvie.
    — Je sens qu’on n’est pas près de rentrer ce soir… Mais, bon, avec lui, on a l’habitude. Appelons-le pour voir où il en est.
    Retour à la loge, d’où Sylvie compose le numéro du 46, boulevard Exelmans.
    — Je suis avec Rémy, on t’attend, quand arrives-tu ?
    — Je ne vais pas tarder, mais annule mon rendez-vous chez le coiffeur, ça me fera gagner du temps. Du coup, prépare-moi un soin de cheveux sur place… Passe-moi Rémy…
    Le réalisateur prend le combiné.
    — Je sais, je suis odieusement en retard, s’excuse Claude d’emblée.
    — Sylvie m’a montré deux pulls, un noir et un bleu. Lequel préfères-tu ?
    — Qu’est-ce qui serait le mieux ?
    — Le bleu. Le noir, ça fait deuil.
    — Alors le bleu. Bon, je me dépêche. Je prends une douche et j’arrive.
    Il est 14 h 10.

    À Los Angeles, il aura une vaste salle de bains, avec du marbre, de grands miroirs, une douche et une baignoire. Ce sera une pièce à part entière, il pourra y passer du temps, sans avoir l’impression de tourner en rond comme dans une cage. Il aura la place d’installer des bougies parfumées et des pots-pourris aux senteurs exotiques. Mieux, ils auront chacun la leur, Kathalyn et lui.

    Ici, à Paris, c’est une sorte de petite boîte, sans fenêtre. Quelques mètres carrés à peine. Rien d’exceptionnel, si ce n’est la robinetterie, plaquée or, et le rideau de douche, blanc, qui porte ses initiales en lettres dorées.
     
    Pendant que Claude prend sa douche, Kathalyn est redescendue dans la chambre. Elle l’entend couper l’eau, il commence à se sécher. Elle s’approche de la porte restée entrouverte et lui demande :
    — Tu veux que j’aille au moulin par mes propres moyens ou tu repasses me chercher après l’émission ?
    À ce moment-là, Claude remarque l’applique de bronze ornée de deux abat-jour en forme de tulipe. Elle est de travers.
    Penchée.
    Inclinée.
    Oblique.
    Fichue applique qui n’arrive pas à tenir droite. Presque tous les jours, il la redresse, machinalement, comme un réflexe. Il ne supporte pas de la voir ainsi, abandonnée à son sort. C’est une insulte à ce perfectionnisme qui est son moteur, mais qui, ce samedi, va lui jouer un sale tour.
    Alors que ses pieds baignent encore dans un fond d’eau, son geste précède sa pensée : il tend le bras pour la relever de l’index et du majeur.

    A ï ï ï ï ï ï ï eeeee ! ! ! ! !
    Ce n’est pas une interjection, ce n’est même pas un cri, c’est un hurlement de douleur, guttural, abyssal, aussi interminable qu’effrayant, qui retentit dans tout l’appartement.
    Par l’entrebâillement de la porte, Kathalyn a vu ses doigts se crisper, son corps se contracter, son visage se convulser.
    À cet instant, elle ne sait pas que les fils électriques, dénudés à force d’avoir été trop bougés, ont fini par se toucher et provoquer un court-circuit. Elle ne voit pas que les doigts de Claude sont restés collés à l’applique. Elle ne se dit pas que ses sabots suédois en bois l’isoleront du courant et lui permettront d’éviter d’être, elle aussi, électrocutée. Elle ne pense pas, elle ne réfléchit pas, elle ne raisonne pas. Mais son instinct lui dit qu’elle doit le sortir de là.
    Tout de suite.
    Alors, avec une force dont elle ne se serait jamais cru capable, elle se jette sur lui pour le sortir de la baignoire. Elle le tire si puissamment qu’il entraîne avec lui l’applique qui se désolidarise du mur et se fracasse au sol.
    Il ne bouge plus.
    Il respire à peine.
    Pour le ranimer, elle commence un bouche-à-bouche, avec l’énergie du désespoir, pendant que Marie-Thérèse, accourue après les hurlements de
Claude, se précipite pour appeler le Dr Kovieski, son généraliste, qui frôle

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