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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Tessier
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l’heure. Même pour dîner avec une femme. Sans cesse en mouvement, il va plus vite que les autres, mais le temps paraît constamment filer entre ses doigts, comme une poignée de sable. Caprice de star ? Pas vraiment, car son comportement ne date pas d’aujourd’hui. Il a toujours été comme ça. Même à son mariage avec Janet, il est arrivé en retard. Il n’avait rien trouvé de mieux que de faire laver sa voiture sur le chemin de la mairie !
    Pour son entourage, c’est une plaie. Du moins savent-ils que, Claude François, il faut le prendre en bloc ; faute de quoi, on ne s’en sort pas. C’est la limite de son sacro-saint professionnalisme. Dans ses relations avec les médias, cela peut vite tourner au clash. Depuis quelque temps, il s’est trouvé un «  casque bleu  » : Marie-Thérèse
Dehaeze, ancienne attachée de presse des disques Decca. Il l’a engagée pour sa réputation, et elle n’est pas disposée à se laisser marcher sur les pieds, contrairement à la majorité de ses collaborateurs qui lui passent tout. Elle le vouvoie, manière de marquer sa distance dans un milieu où le tutoiement est de rigueur, et ses propos sont toujours carrés, nets, précis, sans affect. N’ayant pas l’habitude de cela, il lui a trouvé un surnom : « Iceberg. » Il a toujours aimé rebaptiser ses collaborateurs : Obélix, Normandie, la Glu… Mais il respecte Marie-Thérèse, car il sait qu’elle est dans le rôle qu’il lui a assigné.
    Elle a très vite compris le personnage, inutile de vouloir le changer. Plutôt que de l’affronter en lui répétant sans cesse « Vous êtes en retard », elle a mis au point un stratagème : intégrer son retard en falsifiant les emplois du temps. Quand il a des rendez-vous, elle lui annonce qu’il doit y être deux heures plus tôt…
    C’est la tactique qu’elle a choisie aujourd’hui encore pour l’émission de Michel Drucker, « Les Rendez-vous du dimanche ». L’animateur et son équipe ont besoin de lui à 15 heures, elle lui a dit : rendez-vous à 13 heures.
    Claude a-t-il compris son subterfuge ? Toujours est-il que, ce samedi, il prend particulièrement son temps. Le soleil le renvoie à la langueur orientale de son enfance.
    — Los Angeles, c’est un peu comme l’Égypte, non ? lance-t-il à Kathalyn. Il y a les palmiers, la mer et le ciel bleu.
    — Si l’on peut dire, sourit-elle.
    — C’est même mieux : il y a la musique américaine, les studios, des concerts partout. On aura une maison avec piscine, on pourra en profiter toute l’année, pas comme au moulin…
    Il lui a annoncé son intention de se partager entre la France et l’Amérique. Six mois ici, six mois là-bas.
    Ce sera une nouvelle vie, une autre vie, mais elle sait qu’il sera heureux dans ce pays qui finalement lui correspond bien, puisque tout y est possible.
    Jamais il n’a demandé à Kathalyn : « Crois-tu que je puisse réussir là-bas ? » Il n’en doute pas. Il a foi en son destin.
    — Claude, il va falloir vous préparer, le coupe Marie-Thérèse, qui le ramène à la réalité du jour.
    — Iceberg, profitez du soleil ! C’est le seul luxe qui soit gratuit !
    Il décide néanmoins de redescendre à l’appartement, où Gérard Minchella, son chauffeur, pointe une tête.
    — Je suis arrivé. Il y a des choses à prendre ?
    — Non.
    — Alors je descends surveiller la voiture.
    — Dis-moi, Gérard, hier soir tu as dit devant Marie-Thérèse, Sylvie et Jean-Pierre que tu étais allé en urgence à la Ferté Allais déposer le chèque pour régler l’électricité du moulin.
    — C’est ta sœur qui me l’avait demandé…
    — Tu sais quelle fonction tu as pour moi ?
    — Oui, chauffeur et secrétaire.
    — Tu connais l’étymologie du mot « secrétaire  » ?
    Gérard reste silencieux.
    — « Secrétaire », poursuit Claude, signifie « savoir garder un secret ». C’est clair ?
    Il est 14h 10, et Claude cherche à joindre Josette.
    À Dannemois, on lui dit qu’elle n’est pas encore arrivée. Il l’appelle donc à son domicile parisien, à deux pas de chez lui, puisqu’elle habite elle aussi boulevard Exelmans, en face de ses bureaux.
    — Tu n’es pas encore partie ? Qu’est-ce que tu fous ?
    Cette manière de prendre les gens en faute, Josette la connaît par cœur. Lui reprocher, à elle, d’être en retard : c’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité. Elle esquive comme

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