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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Tessier
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les quatre-vingts ans.
    — Arrêtez de me faire marcher…, lui répond-il.
    — Mais si, c’est vrai, il ne respire plus.
    — Je le connais, quand il a un bobo, c’est la fin du monde. Je ne vais pas me déplacer pour une poignée de châtaignes.
    Elle a beau protester, il refuse de venir.
    — J’ai du monde dans ma salle d’attente.
    Elle demandera quand même à Gérard Minchella d’aller le chercher dans son cabinet, avenue Mac-Mahon.
    Elle se replie sur le Dr Elbaz, son oto-rhino.
    — J’arrive, mais je suis rue de la Pompe. J’en ai pour un quart d’heure au moins, le temps de récupérer ma voiture. Appelez le 18 en attendant…
    Sans révéler l’identité du blessé, pour ne pas risquer une fuite, elle donne aux pompiers les coordonnées de l’appartement.
    — On arrive, lui répondent-ils.

    Que se passe-t-il dans la tête d’un homme rattrapé par son destin ?

    Quelles visions nourrissent sa « traversée » ? À quoi pense-t-il dans ce tunnel de lumière qui n’est plus tout à fait la vie mais pas encore la mort ?
    À ses moments de bonheur ? Mais Claude a-t-il jamais été heureux, lui qui a passé son temps à courir après l’amour, la reconnaissance, la réussite ?
    Se résigne-t-il à voir la vie le quitter ?
    Ou continue-t-il de combattre, jusqu’à épuisement ?
    Des accidents, des drames, des coups du sort, Claude en a connu plus que d’autres.
    Chaque fois, il s’en est sorti.
    En 1960, une voyante – il a toujours aimé fréquenter les diseuses de bonne aventure – lui avait prédit une carrière exceptionnelle, mais elle avait aussitôt ajouté : « Attention, vous ne vivrez pas longtemps. »
    Il n’avait retenu que la première partie de sa prédiction, occultant la seconde. Il croyait à sa bonne étoile.
    Après chaque avertissement du destin, il rassurait ses proches avec la même formule : « T’inquiète pas, j’ai la baraka. »

    Durant les années 1960, les chanteurs sortent un 45 tours tous les trois mois et passent plus
de deux cents jours par an en tournée. Faute de grandes salles dans les principales métropoles, ils écument les sous-préfectures les plus reculées, et Claude François, malgré son statut de star, ne déroge pas à la règle. Plus d’un jour sur deux, il est sur la route pour donner des concerts aux quatre coins de la France. Méticuleux, il arrive tôt pour vérifier les éclairages, les micros, la sono et répéter avec ses musiciens. Sur scène, il se donne comme aucun autre : il chante, danse, bouge, saute, virevolte, tournoie dans un kaléidoscope de couleurs psychédéliques jusqu’au lâcher de ballons final. Perdant trois kilos par concert, habité d’une énergie hors du commun, il va jusqu’au bout de ses limites, et parfois bien au-delà quand il perçoit dans la salle cette passion violente qui l’unit à son public, ce « climax » qui n’est pas très éloigné de l’orgasme, car il y a quelque chose de sexuel dans sa manière de faire son métier, comme on fait l’amour. Il a trompé des femmes avec la musique, jamais le contraire. « Mon public est ma maîtresse, et moi votre amant », écrira-t-il un jour à ses fans, dans Podium . Mais cet abandon absolu a un prix, et il va le payer au prix fort.
    À force d’être sur la brèche, son corps se révolte. Olympia, 1969, il faut lui faire des piqûres pour qu’il tienne le coup. Début 1970, il est opéré de
polypes sur les cordes vocales. On lui conseille d’annuler sa tournée au Canada pour recharger ses accus, mais la pile électrique a encore du ressort : il refuse. À son retour, il enchaîne comme si de rien n’était : concerts, interviews, enregistrements, émissions de télévision. Le 14 mars, en concert à Marseille, son regard se voile, son corps se dérobe, il s’écroule sur scène, victime d’une syncope. Quand il reprend connaissance, sa tension est à 7. D’abord hospitalisé sur place, il est rapatrié, sur une civière, dans une Caravelle d’Air Inter vers la capitale. Épuisement total, physique et nerveux, diagnostiquent ses médecins. En huit ans de carrière, il n’a pas pris un jour de vacances. Un contrat, ça ne se refuse pas, or on lui en propose tous les jours de nouveaux. L’action a toujours été sa manière de chasser la réflexion. De refuser de vieillir et de penser à la mort.
     
    Des Canaries, où il s’offre quelques jours après une cure de repos en clinique, il écrit à ses

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