La dernière nuit de Claude François
fans : « Ma santé de fer me revient. Je sens que je vais tout fracasser. » Il a frôlé le pire, mais sa volonté de se surpasser est la plus forte. Rien ne calmera jamais sa rage : dans la vie d’artiste, on n’est jamais arrivé, on peut toujours aller plus loin. Deux mois plus tard, il remonte sur scène à… Marseille. Recommencer là où il a chuté,
pour mieux reprendre le fil de sa course effrénée. « Je ne veux mourir que sur scène ! », lance-t-il au public en jetant dans la salle sa chemise. Cette fois, ce sont les fans qui s’évanouissent…
À peine deux mois plus tard, il rejoint Nîmes, pour un concert dans les arènes, à l’occasion de la feria. Tout en écoutant à fond un concert d’Elvis Presley sur la stéréo de sa Ford, il roule à tombeau ouvert. Incapable de déléguer, même la conduite : il effectue pourtant plus de quatre-vingt mille kilomètres par an. Aux environs d’Orange, alors qu’il vient de dépasser le car transportant ses musiciens et les Clodettes, le volant lui échappe : le pneu arrière droit vient d’éclater. La voiture, incontrôlable, heurte le talus à gauche, slalome vers la droite, traverse le terre-plein central de l’autoroute et s’immobilise en se disloquant en bas du talus de la voie opposée. Ses deux passagers sortent indemnes, lui a le visage tailladé et le nez cassé.
Lorsque Paul Lederman, accouru de Nîmes, débarque à l’hôpital d’Avignon, il découvre Claude, seul, aux urgences, débordées. Personne ne s’occupe de lui. Il décide de le transférer à Marseille dans sa voiture, car il n’y a pas d’ambulance disponible. Chaque secousse est une souffrance pour le chanteur qui n’arrive à respirer que par la bouche. Dans la cité phocéenne, les
radios sont formelles : double fracture du nez, cloison nasale enfoncée. Mais, en ce week-end de Pentecôte, il ne peut pas être opéré avant mardi. Les deux hommes remonteront vers Paris en wagon-lit le soir même. Les médecins se sont opposés à ce que Claude rentre par les airs. « Si vous prenez l’avion, vous le tuez. »
Jamais il n’a vu la mort de si près que durant ces trente secondes de zigzags sur l’autoroute du Soleil. Mais son énergie positive le pousse à voir le bon côté des choses : une belle occasion de parfaire son nez.
1973, alors qu’il se débat avec le fisc, un cocktail Molotov explose dans ses bureaux. Pas de victimes. L’alarme se déclenche à trois reprises dans son appartement. Pas de traces d’effraction. En revanche, fin juin, un incendie se déclare au moulin. Vers 23 h 15, le frère d’Isabelle, parti éteindre les lumières extérieures, remarque un début de feu, situé sous la chambre de Claude. Les pompiers sont débordés, ils n’arrivent pas à pomper l’eau de la rivière qui traverse la propriété, mais, ce soir-là, c’est la fête au village : les jeunes, qui
participaient au bal, viennent prêter main-forte. Claude est absent, il chante en Belgique. Quand il arrive au petit matin, il découvre sa chambre ravagée. Ses guitares, ses livres, ses opalines, ses tableaux ont brûlé. Les bandes magnétiques de ses titres inédits sont détruites à jamais. Dévasté, il ne reviendra au moulin que sept mois plus tard, lorsque le bâtiment aura été entièrement remis à neuf.
Début juillet, concert au palais des sports de Marseille devant dix mille personnes, le service d’ordre se laisse déborder. Des fans envahissent la scène, l’un d’eux le bouscule. Il finira le spectacle le visage ensanglanté avant de terminer la soirée à l’hôpital, d’où il ressortira avec plusieurs points de suture.
1975 commence sous les plus mauvais auspices : à Nantes, en février, il perd sur scène un de ses porte-bonheur favoris, une chaîne en or avec une plaque gravée à son nom. Dans Podium , il lance un appel, promettant d’offrir une moto à qui lui renverra le bijou. Aucune réponse. Quatre mois plus tard, à Genève, la foule l’agrippe et le fait tomber de scène,
sous l’œil impuissant de son garde du corps, Jean-Michel Piton, qui n’a rien pu faire. Trois orteils cassés et une entorse à la cheville l’empêchent de poursuivre le spectacle.
Durant l’été, Claude doit chanter au Sporting de Monaco, devant SAS le prince Rainier. Une victoire intime pour celui qui a connu les pires moments de sa vie dans la principauté. On lui envoie un hélico à Cannes, où il a installé son QG pendant sa
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