La dottoressa
l’excellent vin, très naturel, rien de commun avec les mixtures
d’aujourd’hui.
Quant à ses femmes… dans l’ensemble il les préférait petites
et délicates, oui, Zuzzi était petite, mais l’autre alors, la Tchèque… c’était
un de ces morceaux ! Il est vrai qu’elle était modèle, et ses modèles il
se les envoyait toujours telles quelles, ne pouvant rien à la dimension.
Mais enfin nous sommes restés à Rinn, près d’Innsbruck, et c’était
toujours aussi charmant d’être en compagnie de Gigi et de Ludovico. Ils avaient
oublié leur passeport, mais apparemment ça n’avait pas tant d’importance en ce
temps-là. Pas comme aujourd’hui, Seigneur !
À ce moment-là Ludovico ne soufflait mot du fait que nous ne
recommencions pas à vivre ensemble, mais par la suite il en a beaucoup souffert ;
il avait grande envie de nous raccommoder, et ce d’autant plus à cause de ces
crises de larmes qu’avait Gigi et de ce désir de moi qu’il gardait en réalité ;
autant dire que Ludovico ne voyait qu’un seul côté des choses, le sien, tout en
étant parfaitement au courant de l’existence de Tutino, d’autre part. Après
tout, il n’avait que dix-huit ans. Quant à Andréa… il m’accompagnait. J’aurais
été incapable de le laisser seul à Capri.
EN PRUSSE-ORIENTALE
Donc, nous avons quitté Gigi et pris le chemin du Nord, et
parvenue à Munich j’ai écrit à ces von Landen que je n’étais pas seule avec
Andréa, mais que j’amenais aussi un autre fils, celui de Suisse, s’ils n’y
voyaient pas d’inconvénient. À cela près que je n’attendis pas la réponse, puisque
nous étions déjà en route. Nous sommes passés par Berlin et par Kœnigsberg, où
Ludovico a été pompette pour la première fois de sa vie, au Blutgericht – ce
même endroit où déjà, pendant la Première Guerre mondiale, moi aussi j’avais
trop bu étant enceinte. Oui, et dire que, vingt ans après, Ludovico retournait
dans ces lieux qu’il avait pour ainsi dire hantés à un moment où il était quasi
inexistant, et il y revenait pour être pompette à son tour ! Ça n’a pas
traîné, il a été atrocement malade, pauvre Ludovico, je me suis mise en colère
contre lui, et il était tellement malheureux ! Sans compter qu’il y a eu
un effroyable brouillamini, sous prétexte qu’il avait cassé une cuvette ou je
ne sais quoi, et que ça nous a valu des ennuis avec les propriétaires. C’était
certainement la première fois qu’il était parti à ce point, tellement le vin
était fort, sans aucun doute.
Ensuite nous avons continué. C’est très loin ce pays, presque
aux lacs de Masurie, ce Klein Guja. Et c’étaient des gens haut placés que ces
Landen. Ils avaient aux alentours de soixante-dix chevaux et Dieu seul sait
combien de vaches. C’étaient de vrais Junkers, une famille très fortunée.
Ça leur était bien égal que j’amène Ludovico avec moi. Ils
ont seulement dit : « Pourquoi n’en avoir pas parlé plus tôt ? »
D’un autre côté, von Landen était effroyablement ponctuel, en vrai Prussien. Le
matin, tout le monde devait être présent au petit déjeuner, et au quart de
seconde la famille au grand complet prenait son bain dans le lac. C’était un
lac adorable, et on entendait les coups de fusil partir de l’endroit où on
tirait les malheureux oiseaux, des canards sauvages ou autres, je ne sais pas. Et
tout était réglé comme un indicateur de chemin de fer, minuté jusqu’à la
dernière seconde. Oh ! c’était un monsieur d’un strict !… Il s’intéressait
à la politique, naturellement il n’était pas Junker pour rien. Sa femme
et ses filles se trouvaient également là. Elles étaient très bien élevées, oui,
tout ça était d’un strict ! On a mis le petit Andréa sur un cheval et on
lui a permis de monter un peu : j’ai encore des amours de photos de lui à
cheval. Il tombait très souvent, mais quelle importance, je vous le demande un
peu ?
Von Landen emmenait souvent Ludovico en excursion, et une fois
il y a eu un énorme festin de homards (des petits homards d’eau douce, vous
voyez ce que je veux dire ?), et jamais le vin ne manquait, même s’il n’y
en avait pas assez pour qu’on soit pompette, ça non. Et les compotes de fruits,
donc, au retour des promenades dans les bois… quel délice, ces compotes, et si
fraîches, si fraîches…
Nous avons passé là tout l’été, puis nous sommes rentrés, Ludovico
à
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