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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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on s’y habitue ; n’empêche
que c’est à tout le temps et que c’est pour ça que, sur cette île, il se passe
des choses qu’on ne voit nulle part ailleurs, de drôles de choses, des bizarres,
des tristes aussi.
LA PRINCESSE NOIRE
    J’ai dû me rendre un jour à la Marina Piccola, à la demeure
d’une princesse italienne que nous appelions tous entre nous la Principessa
Nera. Et ce pour la simple raison qu’en deuil de son amant, mort subitement,
elle n’avait que du noir dans sa maison. Les serviettes de table, les draps, les
taies d’oreiller, tout était noir, noir, noir. La nappe également, noire aussi.
Ça avait un côté étrangement vulgaire – comme Sarah Bernhardt qui dormait
dans son cercueil. De blanc, il n’y avait que sa peau – d’une blancheur de
clown, de neige. Avec du noir tout autour des yeux, et du noir sur les lèvres, et
les ongles des mains et des pieds vernis noir. Elle avait dans les trente, quarante
ans, peut-être même plus. Oui, et elle a vécu réellement vieille : la
guerre finie, elle était encore à Capri et elle n’avait pas changé, toujours
noire comme la nuit. On ne la voyait que la nuit tombée, et alors on l’apercevait
parfois au restaurant Gemma. Graham Greene m’a raconté qu’il avait déjeuné une
fois avec elle et son amant – le nouveau – sur la plage de la Marina
Piccola au pied de sa maison, le tout sous un soleil éblouissant, mais elle en
noir, des pieds à la tête. Graham ne s’était pas plu à ce déjeuner, parce qu’elle
avait une bande de pékinois qui sautaient et galopaient sur la table, d’assiette
en assiette.
    Mais la journée dont je parlais se situe des années plus tôt,
avant la guerre ; brusquement, tard dans la soirée on m’a appelée. Il a
fallu que je prenne par le bord de la Marina Piccola et que je grimpe tout en
haut. Parvenue là, j’ai trouvé la grille ouverte. Je me suis dépêchée d’entrer
et j’ai vu arriver à ma rencontre un homme avec une entaille à la figure, qui
saignait. Il était tout coupaillé jusqu’à la gorge, et le sang coulait à
profusion, et comme si ça n’avait pas suffi, j’ai trouvé une femme sans connaissance
sur le lit, à moins que ce ne soit un divan ou je ne sais quoi. Ce qui fait qu’en
première instance j’ai dû voir ce qu’avait la femme. J’ai mis la main sur
quelque chose comme des sels, que je lui ai fait respirer, et je lui ai tâté le
pouls ; il battait. Je l’ai vigoureusement aspergée d’eau froide et j’ai
fait tout ce qu’il est d’usage de faire en pareil cas. Bon, mais tout d’abord, faute
d’aide, impossible de soigner l’homme. Il était assis devant une cuvette, avec
son sang qui coulait bêtement et qu’il essayait d’éponger et d’arrêter. Je lui
ai expliqué : « Contentez-vous de tenir le linge bien appliqué dessus.
Ne tamponnez pas. » Il était incapable de parler. Enfin bref, la femme a
fini par revenir à elle, et lui, par réussir à contenir le sang de ses
blessures, et puis ?… et puis tout ça, au bout du compte, parce qu’ils s’étaient
battus. Ça avait commencé par des mots, puis elle avait empoigné le rasoir de l’homme
et lui avait infligé les blessures, et de son côté il avait bien dû se défendre,
d’où les entailles qui couraient de-ci de-là. Et elle, à la vue de son œuvre, la
voilà retombée dans les pommes ! Seulement, cette fois, j’ai soigné les
coupures de l’homme et laissé ma folle en noir et blanc à sa transe. L’homme
était son amant – pas le même que celui qui était déjà mort, bien entendu.
C’était une histoire de jalousie, comprenez-vous. Il ne sortit pas de toute une
semaine, pour ne pas se montrer, en prétendant qu’il avait un mauvais
refroidissement, ou mal à l’estomac, ou je ne sais quelle autre invention. Elle
le garda caché, car on n’était pas censé le voir avec elle. Quant au précédent,
celui qui était déjà mort, c’était le genre coqueluche mondaine, oui, coqueluche
de salons, qui passait son temps à courir partout avec elle.
LES COMPTON MACKENZIE
    Il est fort possible que ce soit vers cette époque-là que
Compton Mackenzie, l’écrivain anglais, ait habité avec sa femme une adorable
demeure sur la Tragara, et que sa femme, justement, ait fait la connaissance d’un
certain Russe à Capri. Elle a filé une nuit avec ce Russe, qu’elle avait
rencontré très peu de temps auparavant et dont elle était follement amoureuse, et
ils

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