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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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ont traversé l’eau jusqu’à Sorrente, sur un bateau de pêche. Le matin venu,
Mackenzie a alerté tout le quartier, tout le monde, alerte générale, domestiques
et le reste, sans exception. Là-dessus, la nouvelle a fini par transpirer que
sa femme avait filé avec ce bateau loué à un pêcheur. Et le fait est qu’elle
est bel et bien partie avec le Russe, ce qui s’appelle partie pour de bon. Elle
devait avoir dans les alentours de la trentaine – c’était une grande belle
femme, une créature de volupté.
    Lui était ténor. C’était un grand fort gaillard, comme sont
souvent les Russes. Qui mieux que moi les connaît ?
    Des tas d’années passèrent, au bout desquelles elle est
revenue. Il y avait beau temps que Mackenzie vivait en Écosse, mais elle est
revenue avec son Russe. Comme la villa avait été vendue, elle est descendue à l’hôtel
à Capri, et on m’a appelée, parce qu’elle avait eu brusquement une crise
cardiaque. Trop de tension, et la route qui grimpe dur – elle frôlait l’attaque.
J’ai fait demander tout de suite une des sœurs cordelières, et j’ai pratiqué la
saignée. Une vraie, dans les règles, avec sangsues aux tempes. Je me rappelle
encore… c’était en cours, et après avoir d’abord poussé des hurlements à la vue
des sangsues, elle n’a pas cessé de me réclamer du cognac, tant et si bien qu’à
la fin, pour l’amour de Dieu, je lui en ai donné. En principe, vous savez, on
ne doit pas. Enfin toujours est-il que le noir a disparu des yeux et du front
et que les sangsues étaient grasses comme des petits cochons, ma foi, oui…
    Le Russe était avec elle. Total : ils étaient deux à se
plaindre des sangsues, Seigneur quand j’y pense ! Cela faisait bien longtemps
qu’ils étaient partis pour Sorrente sur leur bateau de pêche. Ils s’étaient
calmés, terriblement ; et le Russe était d’une dignité !… C’étaient
deux compagnons. Adieu l’amour ! Ensuite ils sont repartis, et je les ai
perdus de vue. Vers la fin, elle était menacée de cécité ; on m’a raconté
qu’un jour elle a débaroulé à la renverse du haut en bas de l’escalier de sa
cave. Ce fut sa fin, la pauvre.
AXEL MUNTHE
    Évidemment, la grande célébrité d’Anacapri c’était Axel
Munthe, l’amant de la reine de Suède. Tous les gens le détestaient parce qu’il
faisait l’impossible pour les empêcher de tuer les cailles en les prenant dans
des filets. Il ne se sentait plus, à cause de son fameux livre sur San Michele
et aussi de la reine de Suède. La reine avait sa maison à Anacapri, et lui son
appartement au palais de Stockholm. Quant au roi, naturellement tout ça l’arrangeait
parfaitement, du moment qu’il avait son tennis et ses petits jeunes gens.
    Munthe avait un côté terriblement tartufe. Norman Douglas
exprimait ça à sa manière. Il le traitait de « faux jeton pontifiant » ;
Edwin Cerio de même, qui le trouvait inepte. À propos du fameux sanctuaire des
oiseaux d’Anacapri, Cerio écrivit à Munthe qu’il avait créé un véritable
paradis… pour chasseurs.
    Une fois, avant la guerre, je les avais vus, la reine et lui,
se promener avec le kaiser Guillaume, de Caprile où la reine avait sa maison, à
Materita, plus bas, à la tour de Munthe. Guillaume était en uniforme, et Munthe
coiffé d’un canotier et vêtu d’un costume léger d’été. Il restait un pas en
arrière, l’air très absorbé. J’ai l’impression qu’en pensant aux deux autres
qui marchaient devant, il souriait… de satisfaction. Deux têtes couronnées se
rendant à sa tour !…
    Aucune personne de quelque importance ne pouvait lui
échapper. Même pas Greta Garbo. Je l’ai vue sur le sentier qui descend à
Materita, en robe d’été ultralégère, et chapeau d’été comme on en portait alors,
vous savez ? avec la petite voilette devant la figure. Elle courait en
dévalant le sentier qui menait chez Munthe, et elle était d’une de ces
légèretés !… Ça n’a été qu’une impression fugace, mais d’une beauté !…
    Ma première rencontre avec Munthe se situe dans un cadre
paysan. Chez Maldacena, Piazza Boffe. Un homme était resté paralysé des suites
d’une forte attaque. On nous a appelés tous les deux, moi comme généraliste, lui
comme consultant. Et il m’a dit : « J’ai tellement entendu parler de
vous, et vous faites un tel bien à ces braves gens avec vos visites » (médicales,
s’entend). Là-dessus il m’a

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