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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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mal ! »
    Tout ce que j’ai pu faire, ç’a été de traverser la pièce
avec lui jusqu’au lit, pendant qu’il hurlait de douleur : « Pour l’amour
du Ciel, qu’est-ce que je peux bien avoir au ventre ? Mais qu’est-ce que j’ai ? »
De le voir soudain dans un état pareil, c’était horrible. Je lui ai administré
une drogue pour calmer la douleur, et tout de suite il a commencé à vomir. C’était
une occlusion intestinale.
    Vous dire la peur effroyable qui s’est emparée de moi !…
mais j’ai réfléchi que si lui aussi, au milieu de ses souffrances, il trouvait
le temps d’avoir peur, alors c’était qu’il devait être affligé du même genre de
peur que moi, et du coup je me suis efforcée de calmer mes manières et de ne
pas montrer d’inquiétude. Ce n’était pas commode, puisque je ne suis pas de
nature à dissimuler.
    Plus tard seulement, j’ai appris quelle était peut-être la
cause. Au phare où il était descendu, il avait retrouvé sa bande de jeunes
filles et ils s’étaient baignés ensemble. Mais la cause, ce n’étaient pas les
rochers pointus que j’avais craints la veille, non, c’étaient les pêcheurs qui
avaient halé une de leurs grosses barques tout près du rocher, pour la sortir
de eau. Et il a aidé et, à ce qu’il a dit, il a tiré de toutes ses forces et de
telle sorte que le gros de l’effort à la corde reposait sur lui. Est-ce que ça
été de se plier en deux et de forcer qui a fait qu’à l’intérieur… comment
savoir ? On lui avait ôté l’appendice six mois exactement avant notre
retour à Capri – peut-être y avait-il eu alors lésion intestinale ?
    Excusez-moi de ne pouvoir parler de cela con calma, j’en
ai le cœur encore tout percé. Il était remonté et nous venions de nous mettre à
table, et puis il s’est relevé d’un bond avec cette douleur atroce, et il s’est
jeté sur le lit en battant des bras, tellement la douleur était intolérable. Je
lui ai fait une piqûre qui a calmé la douleur sur le moment, mais ensuite elle
est revenue.
    Il aurait fallu, sitôt après la première crise, le faire
entrer dans une très bonne clinique et l’opérer sur-le-champ. Au lieu de ça, on
a dû attendre toute cette soirée, et toute cette nuit-là, et tout le lendemain
matin. Impossible même de louer un bateau privé, à cause des Américains, des
forces armées, qui étaient encore là. Tout ce qu’on pouvait faire, c’était de
prendre le bateau régulier du matin. Même le grand Cerio n’y aurait rien pu.
    Quelle nuit ! On imagine ce que ça a pu être. Il était
là, couché, blanc comme son drap, à gémir et se tordre, moitié dans le coma, moitié
non – et dire qu’il y avait à peine deux ou trois heures il remontait de
la mer, avec la bonne odeur du sel, et il m’allumait ce feu de braises pour que
je fasse cuire notre dîner.
    Un de mes confrères est venu, et il n’a rien compris à ce
que ça pouvait être. Il a suggéré un sitzbad, un bain de siège, en
pensant peut-être à une rétention d’urine ou quelque chose d’approchant, mais
moi, entre-temps, j’avais déjà compris que c’était une occlusion. Tout ce que l’autre
pouvait répondre à ça, c’était Beh !-eh !-eh ! en
haussant les épaules d’impuissance. (Une occlusion, c’est quand l’intestin s’entortille
autour de son axe en formant une sorte de nœud qui se referme complètement, si
bien que, naturellement, aucune nourriture ne peut plus passer, et surtout la
circulation s’étrangle au point que le segment en question est menacé de mort.)
    Enfin bref, j’ai passé la nuit à appeler mon pauvre confrère
qui ne pouvait que bêler comme un mouton Beh !-eh !-eh ! en
répétant jusqu’au matin non ce niente da fare, pendant que moi je me
demandais ce qu’on pouvait faire de mieux pour forcer la nuit à passer plus
vite.
    À cinq heures du matin, il y avait le bateau. C’était le 3 août,
et j’ai conduit Andréa à Naples et à l’hôpital suisse – l’hôpital
international. Nous sommes arrivés, le médecin se promenait quelque part en
ville, dans une clinique où il avait à faire. Mais dès son retour on a tout
préparé pour opérer, sauf qu’il était déjà midi trente. Et il a fallu aller
chercher un autre confrère pour l’opération, et comme j’étais dans le couloir
on m’a fait entrer, j’ai pu voir qu’une bonne partie de l’intestin était déjà
morte…
    Immédiatement j’ai compris

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