La Fausta
résolution de la prendre, de l’emporter, de la jeter à quelque supplice, d’assister à son agonie !…
— Venez !…
Et comme Violetta tremblante n’obéissait pas, Fausta recula jusqu’à la porte. Dans ce court instant, par un prodige d’effort, elle reconquit la sérénité du visage…
— Une litière, à l’instant, dit-elle à Claudine : qu’elle attende près de la grande porte.
L’abbesse s’élança. Fausta se tourna vers Belgodère.
— Prends cette fille, dit-elle, et amène-la à la litière. Tu y monteras avec elle. Tu m’en réponds sur ta vie pendant le trajet.
— Où donc ira la litière ? demanda Belgodère avec un frémissement.
— A la Bastille ! répondit sourdement Fausta.
Belgodère entra dans ce réduit et marcha droit à Violetta, et lui aussi de ce même ton rauque prononça :
— Viens !…
En même temps, il la saisit, et en lui-même grommela :
— Je crois que cette fois, maître Claude va verser des larmes de sang… comme il m’en a fait verser à moi !…
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Chapitre 31 LES FOURCAUDES
V ioletta fut jetée dans la litière par Belgodère qui y monta alors. Fausta se remit en selle. Sur un signe qu’elle fit, les quatre cavaliers entourèrent la litière. Quant à elle, elle se mit en avant, et toute la petite troupe commença à descendre dans la nuit. Bientôt, ils furent sur Paris.
Fausta gagna la rue Saint-Antoine et se dirigea droit sur la Bastille. La litière s’arrêta devant la porte qui faisait face à la rue Saint-Antoine. Fausta prononça un mot et l’un des cavaliers de l’escorte embouchant un cor jeta dans la nuit un triple appel qui résonna, lugubre, dans le grand silence du quartier endormi. Quelques minutes se passèrent. Puis on vit des lumières de lanternes de l’autre côté du fossé, les chaînes du pont-levis grincèrent, le tablier s’abattit ; la litière passa, s’engouffra sous une voûte noire, et s’arrêta enfin dans une cour étroite.
— Le gouverneur ! demanda Fausta au sergent d’armes.
— Si vous voulez me suivre, je vais vous conduire à lui, dit le sergent.
Fausta mit pied à terre et désigna la litière :
— Il y a là une prisonnière. Si elle s’échappe, tu seras pendu à l’aube, sans procès.
Le sergent sourit. Il donna un ordre à deux geôliers qui l’accompagnaient. Quelques minutes plus tard, Violetta était enfermée dans un cachot…
Belgodère et l’escorte restèrent dans la cour, près de la litière. Fausta suivit le sergent que précédait un homme portant un falot. Ils montèrent un escalier. Dans un couloir, un homme accourait, achevant de s’habiller en hâte.
— Voici M. le gouverneur, dit le sergent.
— J’ai entendu le signal du cor, fit Bussi-Leclerc en cherchant à dévisager Fausta, et comme après Mgr le duc de Guise, il n’y a qu’une personne au monde qui connaisse le signal…
— Cette personne, c’est moi, dit Fausta impérieusement. Entrons chez vous, monsieur de Bussi, nous avons à causer.
— Je suis à vos ordres, madame ! dit Bussi-Leclerc en reconnaissant une femme dans ce jeune cavalier qui lui parlait avec tant d’autorité.
Bussi-Leclerc se mit à précéder Fausta jusqu’à son appartement où il la fit entrer.
— Monsieur, dit Fausta, on vous a prévenu aujourd’hui ou dans la soirée, que je vous viendrais voir pour affaire d’importance…
— Madame, dit Bussi-Leclerc en dévisageant Fausta, on m’a prévenu qu’un messager de Mgr le duc m’apporterait cette nuit des ordres. Mais j’étais loin de me douter que le porteur d’ordres serait l’adorable messagère dont la présence enchante ces tristes lieux.
Bussi frisa sa moustache et se campa pour attendre la réponse à sa galanterie. Un fugitif sourire de mépris crispa la lèvre de Fausta.
— Vous avez ici, dit-elle, deux prisonnières qu’on appelle les Fourcaudes ?
— Oui, madame, dit le soudard étonné que son compliment n’eût pas produit plus d’effet.
— Ces prisonnières doivent être livrées à la justice du peuple ?
— Dès demain matin, madame… Chose promise, chose due. Nous tenons parole, nous autres. Le peuple veut pendre et brûler les Fourcaudes. Il les pendra et les brûlera.
Bussi-Leclerc se redressa de toute sa hauteur, espérant cette fois avoir produit un effet de terreur, puisque la galanterie lui avait si peu réussi.
— L’une des deux Fourcaudes, dit Fausta, sera pendue et brûlée. Quant à l’autre, vous
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