La Fausta
allez la remettre en liberté.
— Oh ! oh ! ceci est impossible, madame, s’écria Bussi-Leclerc en sursautant. J’ai promis au peuple deux hérétiques à pendre, il les aura. Jamais Bussi-Leclerc n’a manqué à sa parole.
— Vous tiendrez parole, messire Leclerc. Comment s’appellent les condamnées ? Et quel est leur âge ?
— L’aînée, Madeleine ; elle a vingt ans environ ; la cadette, Jeanne ; elle paraît seize ans.
— C’est celle-ci que vous allez relâcher. Madeleine sera livrée. Il y a grâce pour Jeanne.
— S’il y a grâce pour l’une des condamnées, comment pourrai-je livrer les deux hérétiques ?…
— Ne vous en inquiétez pas. L’essentiel est que Jeanne Fourcaud est graciée.
— Et qui lui fait grâce ?
— Moi.
— Vous, madame ! dit Bussi-Leclerc stupéfait du ton d’autorité de cette inconnue. Et qui êtes-vous ?… Vous êtes, il est vrai entrée ici grâce à un signal que seuls connaissent les plus intimes de Monseigneur. Mais ce n’est pas une raison suffisante…
— Lisez donc ceci ! interrompit Fausta en tendant un papier à Bussi-Leclerc, qui étonné le prit, s’approcha d’un flambeau et le lut. Le papier portait la signature et le sceau du duc de Guise. Il contenait ces lignes :
« Ordre à tous nos officiers de tout rang, en quelque lieu et quelque occasion que ce soit, sous peine de la vie, d’obéir à la princesse Fausta, porteuse des présentes. »
— La princesse Fausta ! murmura sourdement Bussi-Leclerc.
Il jeta un regard d’ardente curiosité sur Fausta et, s’inclinant très bas, lui rendit le parchemin en disant :
— J’obéis, madame.
— Bien. Conduisez-moi donc auprès des Fourcaudes, ou plutôt auprès de la plus jeune.
Sans dire un mot, Bussi-Leclerc, de plus en plus étonné, s’empressa de prendre un flambeau et se mit à précéder sa visiteuse. Dans le couloir, il retrouva le sergent et lui dit quelques mots à voix basse. Le sergent s’inclina et prit les devants en courant.
Bussi-Leclerc, toujours suivi de Fausta, descendit un escalier, et parvint dans la cour où attendaient la litière et les quatre cavaliers d’escorte. Là, on trouva deux geôliers prévenus par le sergent. Tout ce monde regardait avec étonnement le gouverneur qui marchait devant l’inconnue, un flambeau à la main, comme s’il eût escorté une reine. Fausta aperçut le sergent et lui dit :
— Va me chercher ma prisonnière…
Quelques minutes plus tard, Violetta apparaissait entre deux soldats qui la tenaient chacun par un bras. Elle frissonnait d’épouvante, mais n’opposait aucune résistance. Elle sentait qu’en vain elle se fût débattue…
— Marchez ! dit alors Fausta à Bussi-Leclerc.
Il se dirigea vers une porte basse, accompagné des deux porte-clefs. Derrière eux venait Violetta, éperdue. Puis venait Fausta qui ne la perdait pas de vue et souriait, pareille à l’ange de la mort. Le sergent fermait la marche. On descendit un escalier tournant qui s’enfonçait dans le sol comme une vis qui eût déchiré les entrailles de la terre : vis rouillée par le temps, escalier moisi aux murs brillants de salpêtre.
Les geôliers s’arrêtèrent devant une porte dont ils tirèrent les verrous. Fausta fit un signe. Tout le monde s’arrêta. Elle entra seule, après avoir pris le flambeau des mains de Bussi-Leclerc. Le cachet était étroit. Ses voûtes surbaissées semblaient peser d’un poids énorme sur les épaules. Dans un angle, accroupie sur le sol, une jeune fille aux traits amaigris, toute jeune, presque une enfant, se leva lorsque la porte s’ouvrit. Son front était calme. Ses yeux brillaient d’un feu surhumain. Elle était belle malgré sa pâleur, et dans son attitude il y avait une sorte de défi. Cette jeune fille, c’était Jeanne Fourcaud.
— Vient-on me chercher pour le supplice ? dit-elle. Je suis prête.
— Jeanne Fourcaud, dit Fausta, vous ne serez pas suppliciée. Vous vivrez. Non seulement vous vivrez, mais vous serez libre.
— Oh ! murmura l’infortunée, qui me parle ainsi d’une voix si douce ? Quel est l’ange qui se penche sur moi pour la première fois depuis que je suis dans cet enfer ?…
— Jeanne Fourcaud reprit Fausta, je ne suis pas un ange. Je suis simplement une femme qui a eu pitié de vos malheurs et qui a employé toute son influence à vous sauver…
— Le roi me fait donc grâce de la vie ? haleta la pauvre créature.
— De la vie et
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