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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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répondit le gouverneur en éclatant de rire.
    — Allons, allons ! dit Maurevert en grinçant des dents.
    Ils étaient arrivés dans une étroite cour où on entrait après avoir franchi une lourde grille. La cour était infecte. Le soleil n’y descendait jamais. Là s’arrondissait un colosse de pierre dont la tête se perdait dans le ciel noir : c’était la tour du Nord. Une porte de fer s’ouvrait au pied de la tour.
    — C’est là que nous mettons les plus intraitables. N’est-ce pas, Comtois ?
    Comtois, le geôlier, hocha la tête et se mit à ouvrir la porte, opération qui demanda plusieurs minutes. La porte ouverte, une bouffée d’air méphitique frappa Bussi-Leclerc au visage.
    — Oh ! oh ! fit-il en reculant. Cela sent la mort !…
    — Entrons ! dit Maurevert en aspirant avec une joie terrible ces émanations d’air corrompu.
    — Attention ! dit Comtois ; il y a des pierres éboulées.
    Il commença à descendre ; Maurevert, derrière lui, jetait un avide regard au fond des ténèbres où il s’enfonçait ; puis venait Bussi-Leclerc ; puis les quatre arquebusiers. L’escalier tournait et s’enfonçait comme une effroyable vis de pierres verdâtres ; aux parois des murs à demi disloqués brillaient les paillettes impures du salpêtre. Au bout de trente marches, on s’arrêta. L’air était à peine respirable. Sur le sol fangeux rampaient des choses immondes.
    — Est-ce là ? haleta Maurevert.
    — Plus bas ! fit le geôlier Comtois.
    Bussi-Leclerc toucha du bout du doigt une porte et dit :
    — Numéro quatorze !
    — Numéro quatorze ? fit Maurevert hagard.
    — Eh ! oui… ce bon petit duc… le rejeton des Valois… M. d’Angoulême…
    — Et que m’importe le duc d’Angoulême ! gronda Maurevert. Descendons !
    Et il poussa le geôlier. A ce moment, du fond du cachot numéro quatorze, un grand cri dément jaillit et réveilla de sinistres échos dans l’escalier. De l’intérieur, la porte fut secouée… une malédiction traversa les ténèbres… puis le silence se rétablit.
    — Ils sont tous ainsi dans les premiers temps, dit Comtois en haussant les épaules.
    Bussi-Leclerc avait pâli. Ce bretteur, ce spadassin sans foi ni loi, n’avait pas encore l’âme d’un geôlier. Maurevert n’avait rien entendu : il descendait sur les talons de Comtois ; il éprouvait une terrible ivresse de vengeance enfin satisfaite. Il eût voulu cet antre plus hideux encore, cet air plus irrespirable, il eût voulu dans cet enfer plus d’épouvante et d’horreur… et pourtant !…
    — Voici le numéro dix-sept ! dit tout à coup Comtois en s’arrêtant devant une porte.
    Ils étaient au deuxième sous-sol.
    — Ouvre ! dit Maurevert d’une voix rauque.
    Il prit le falot des mains du geôlier, et comme celui-ci ne se hâtait pas assez à son gré, il poussa lui-même les verrous. La porte s’ouvrit toute grande. Maurevert, le falot à la main, fit deux pas dans cette sorte de trou qui était un cachot. La faible lueur de la lanterne éclaira le trou, les pierres rongées portant des inscriptions, prières suprêmes, malédictions, menaces, cris de douleur gravés dans le granit et à demi effacés et pareils à des balbutiements de la pierre… les gouttes d’eau qui se formaient à la voûte pour retomber ensuite, comme des larmes… le sol raboteux comme si des ongles l’eussent labouré… les flaques d’eau bourbeuse… Maurevert vit tout cela d’un coup d’œil qui eut la durée d’un éclair. Et son regard s’arrêta au fond du cachot.
    Là, contre la paroi, deux anneaux scellés dans le mur supportaient deux chaînes rouillées.
    Et l’extrémité de chacune de ces chaînes allait se frapper sur un anneau… Les deux anneaux inférieurs encerclaient les deux chevilles d’un homme. Et cet homme debout, appuyé à la paroi, cet homme sur qui Maurevert levait son falot, cet homme le regardait…
    — Ce n’est pas sans mal que nous l’avons enchaîné, dit Comtois, remplissant en conscience son rôle de cicérone. Par le diable ! il en a coûté la vie à trois d’entre nous…
    Bussi-Leclerc entra et fit sortir le geôlier. Maurevert tremblait légèrement. Il considérait le prisonnier avec un sourire indescriptible. Le prisonnier souriait aussi — mais d’une autre manière. Maurevert, au bout d’un instant de contemplation, accrocha son falot à un clou, sans doute destiné à cet usage. Et il dit :
    — Te voilà donc, Pardaillan.

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