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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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avait pris sur lui. Il mettait en balance son amour et son ambition. Et il ne voulait renoncer ni à l’un ni à l’autre. Et voici comme il arrangeait les choses : Violetta prisonnière, il la retrouverait quand bon lui semblerait. Prisonnière dans l’abbaye de Montmartre, sous la garde de Maurevert, elle ne pouvait lui échapper. Donc, il se servait d’abord de Fausta pour conquérir la couronne. Une fois roi… il verrait à mettre Fausta elle-même à la raison.
    — Adieu donc, madame et souveraine, dit-il en s’inclinant. Je compte sur votre parole sacrée : à savoir que la bohémienne ne sera à personne ! Et qu’elle sera gardée en l’abbaye.
    — Il est impossible au mensonge de passer par mes lèvres, répondit gravement Fausta. Mais vous qui n’êtes qu’un homme, vous qui portez en vous toutes les faiblesses de l’humanité, je n’ai pas besoin de vous dire que je compte sur votre parole : je saurai vous forcer à la tenir. Adieu, duc !
    — Je vous escorte jusqu’à votre logis, dit le Balafré d’une voix altérée.
    — Mon logis est partout. Partout je suis en sûreté. Et dussiez-vous un jour me faire jeter dans la Bastille, lorsque je vous aurai jeté, moi, sur le trône de France, sachez-le, les murs de votre Bastille tomberont à mon premier geste…
    Elle s’éloigna, laissant Guise frappé de stupeur et aussi de terreur, de voir sa pensée confuse si nettement exprimée par Fausta. Elle s’éloigna de ce pas majestueux, avec cette dignité incomparable qui faisait d’elle plus qu’une reine : une déesse.
    — Est-ce que vraiment c’est l’esprit de Dieu qui l’anime ! murmura Guise.
    Il la chercha des yeux et ne la vit plus. Alors, cette horreur sacrée dont parlent les poètes s’empara de lui. Guise qui n’avait jamais tremblé sur un champ de bataille trembla de se voir seul au fond des ténèbres de cette église où il venait de parler à l’envoyée de Dieu ! Et avec un frémissement de tout son être, les cheveux hérissés, les yeux hagards, il s’enfuit…
    q

Chapitre 46 LA REVANCHE DE BUSSI-LECLERC
    M aurevert, comme il l’avait dit, était attendu dans la rue par Bussi-Leclerc. En sortant de Saint-Paul, il le rejoignit sous un auvent de la rue Saint-Antoine où il lui avait donné rendez-vous. Aussitôt ils se mirent en route vers la Bastille.
    — Tout s’est bien passé ? demanda Bussi-Leclerc qui songeait en souriant à la présence du duc de Guise.
    — Sans doute ! fit Maurevert étonné. Pourquoi ?…
    — Pour rien ! Marchons…
    — Oui, marchons. J’ai hâte de voir l’homme. Est-il enchaîné ?
    — Bien et dûment. Ne crains rien…
    Bussi-Leclerc se mit à siffler une fanfare de chasse et Maurevert, livide, tête basse, hâta le pas. Quelques minutes plus tard, ils franchissaient le pont-levis et entraient dans la Bastille !
    — Voilà mes domaines ! fit en riant Bussi-Leclerc. Ce n’est pas gai. Drôle d’idée qu’a eue notre duc de me faire gouverneur de la Bastille !
    — Non, ce n’est pas gai ! C’est même terrible, dit Maurevert avec une sombre joie. Où est-il ?… Allons !…
    — Patience, que diable ! Holà ! quatre gardes et un falot !…
    Quatre soldats armés d’arquebuses et un geôlier porteur d’une lanterne s’élancèrent à l’ordre.
    — Les clefs du numéro dix-sept ! ajouta Bussi-Leclerc.
    Le geôlier se précipita et revint quelques instants après avec un trousseau de clefs.
    — Le numéro dix-sept ? dit-il, à tour du Nord. Deuxième sous-sol. Voilà, monsieur le gouverneur !
    — Marche devant, dit Bussi-Leclerc. Et vous, suivez-nous, ajouta-t-il en se tournant vers les quatre arquebusiers.
    On traversa des cours enfermées entre des murailles hautes et noires ; on passa sous des voûtes aux pierres rongées par le temps ; Bussi-Leclerc sifflait entre ses dents ; Maurevert frissonnait. Et pourtant, une joie sauvage faisait battre son cœur à grands coups. Pour parler, pour échapper à l’impression d’horreur que dégageait la formidable prison d’Etat, il dit :
    — Non, Bussi, ton domaine n’est pas gai… Et combien as-tu de sujets dans ce royaume de la douleur ?
    Bussi-Leclerc se retourna vers le geôlier et l’interrogea du regard. Lui ne savait pas.
    — Vingt-huit prisonniers, dit laconiquement le geôlier.
    — Tu entends, Maurevert. Vingt-huit. C’est peu. Et je suis un bien pauvre sire.
    — Qu’ont-ils fait ?
    — Qu’a fait celui que tu vas voir ?

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