La Fausta
journée des Barricades et chassé Henri III. Avec elle, il était roi… sans elle, il n’était rien…
Mais renoncer à Violetta !… A cette pensée, il sentait la rage gronder en lui et sa tête se perdre en combinaisons inspirées par la folie. Fausta reprit :
— La peine de mort !… Oui : la peine de mort appliquée non seulement à celui qui épouse une hérétique, mais encore à celui qui par le contact de l’hérétique devient lui-même démoniaque. Est-ce vrai ?
— Ces lois, dit Guise d’une voix rauque, ces lois mortelles, implacables, féroces, vous savez bien, madame, que nous les avons faites pour maintenir le commun des ligueurs dans l’obéissance absolue. Vous savez que nous qui pensons, nous qui sommes la tête, nous ne pouvons nous soumettre à de telles servitudes !…
— Duc, est-ce bien vous qui parlez ainsi ! dit sourdement Fausta. Vous le chef ! Vous le roi de demain ! Vous avez juré, duc ! Si votre serment n’est pas valable, dites-le ! Si la parole d’un Guise ne vaut pas la parole du dernier de nos ligueurs, dites-le, qu’on le sache ! Et on le saura !… Parlez, duc. Un seul mot, un seul ; êtes-vous parjure ? ne l’êtes-vous pas ?… Si vous parjurez le solennel serment qui a fait de vous le maître de Paris et bientôt de la France, brisons là… Allez de votre côté, moi du mien…
Guise trembla. En un instant, il vit Paris révolté contre lui. Il entendit les acclamations se changer en cris de haine. Il se vit fuyant comme avait fui Henri III… s’il avait le temps de fuir ! Il se redressa, cherchant à dissimuler son trouble sous son masque d’orgueil.
— Par le Dieu vivant, gronda-t-il, nul ne pourra jamais dire qu’Henri de Lorraine a manqué à son devoir. Mais celle que j’aime n’est pas hérétique !…
— Celle que vous aimez ! Vous parlez de la bohémienne Violetta, n’est-ce pas ?
— C’est bien elle que je veux dire…
— Eh bien, écoutez !… Le soir du dimanche de Saint-Barthélémy, il y a seize ans, duc, vers onze heures, une troupe de bons catholiques envahit un hôtel qui se trouvait dans la Cité, devant Notre-Dame.
Guise tressaillit à ce souvenir.
— Cet hôtel, continua Fausta, était habité par le baron de Montaigues. Avez-vous connu cet homme, Henri de Guise ? Etait-ce un huguenot farouche ? Etait-ce bien l’un des plus redoutables ennemis de la vraie religion ? Etait-ce bien l’un de ces hérétiques, que vous aviez promis d’exterminer ?… Oui, sans doute ! Car c’est vous qui conduisiez la troupe des fidèles qui envahit sa maison… Vous rappelez-vous cela, duc ?
— Je me rappelle, dit le Balafré qui frissonna au souvenir des horribles scènes évoquées par Fausta.
— Bien… Depuis la veille, duc, vous aviez parcouru Paris comme l’ange exterminateur. Et partout où vous passiez, le sang coulait, les incendies s’allumaient, les cadavres s’amoncelaient…
— Assez ! murmura Guise en passant une main sur son front comme pour écarter des spectres.
— Comment ! dit Fausta d’une voix où il y avait une douceur d’une terrible ironie, le grand Henri aurait-il peur de ces cadavres ?… Rappelez vos esprits, duc !…
Le duc laissa retomber sur sa poitrine sa tête livide et murmura :
— Coligny ! Rohan ! Condé ! Montaigues !…
— Montaigues ! reprit Fausta. Celui-là, sans doute, vous semblait plus redoutable que les autres ! Son crime était plus atroce, peut-être ! son hérésie plus enracinée ! Car la mort ne vous parut pas une expiation suffisante ! Vous trouvâtes le châtiment qui convenait à Montaigues ! Et puisque son âme était ténébreuse vous décidâtes qu’il achèverait sa vie dans les ténèbres : Montaigues, sur un signe de vous, eut les deux yeux crevés !… Est-ce vrai ?
— C’est vrai ! dit Guise dans un soupir qui était peut-être l’aveu d’un remords…
— Bien… Ce Montaigues, vous savez comme il est mort. Vous savez qu’il avait versé dans l’esprit de sa fille toute la pensée d’hérésie qui souillait son esprit… Vous savez à quel crime abominable il poussa Léonore, et que cette fille osa accuser un évêque d’avoir été son amant !… Vous savez que Léonore de Montaigues mit au monde une fille trois fois maudite qui naquit au pied du gibet…
— Que vais-je apprendre ? haleta Guise.
— Ce que vous comprenez déjà, répondit Fausta rudement : que Violetta, c’est la fille du
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