La Fausta
signal vous parvîntes à ouvrir la porte ; car finaudes comme vous êtes toutes deux, vous avez dû y parvenir.
La flatterie n’eut cette fois aucun succès.
— Hélas ! monsieur le chevalier, vous ne savez donc pas que nous risquons notre vie à vous parler de ces choses ? Que serait-ce si nous faisions la révélation que vous nous demandez !…
— Eh bien, n’en parlons plus ! dit Charles d’Angoulême.
— C’est cela, reprit Pardaillan. Ne parlons plus du signal. Mais vous pouvez continuer votre récit.
La Roussotte, à qui la langue démangeait comme à une digne commère qu’elle était, reprit donc :
— Ce fut la Pâquette qui frappa. A peine eut-elle frappé que la porte s’ouvrit. Et nous reculâmes…
— Bah ! c’était donc bien terrible !…
— Vous allez voir, reprit la Roussotte en frissonnant. La porte ouverte, nous entrâmes, non sans de longues hésitations. Mais dès que nous fûmes entrées, la porte se referma d’elle-même… la lumière qui inondait la pièce où nous étions s’éteignit. Je poussai un grand cri et tombai à genoux…
— Moi aussi, dit Pâquette toute pâlissante à ce souvenir.
— Je fermai les yeux !…
— Moi aussi ! ajouta Pâquette.
— Lorsque je les rouvris, continua la Roussotte, je vis qu’un peu de clarté s’était faite dans la pièce, mais si peu qu’à peine distinguait-on les meubles et les murs. Mais cette clarté était suffisante pour laisser voir deux cordes qui pendaient au plafond, et au bout de chaque corde, un beau nœud coulant… Alors, je compris que nous allions être pendues, et je me mis à pleurer… Tout à coup, deux hommes apparurent, deux géants masqués de noir. Je ne sais ce que pensait Pâquette, mais moi je ne pensais même plus ; l’horreur me paralysait ; l’un des géants saisit le nœud coulant qui se balançait au-dessus de ma tête, et comme si cette corde eût eu la faculté de s’allonger, il baissa ce nœud jusqu’à moi qui étais à genoux, et bientôt je sentis que la corde me serrait le cou…
La Roussotte, à ce mot, porta la main à son cou, par un geste machinal, et respira longuement. Pâquette murmura :
— Pendant ce temps, l’autre géant me serrait le cou à moi !…
— Diable ! dit froidement Pardaillan, la situation manquait de gaieté !…
— Comme vous dites, monsieur le chevalier.
— Et comment fûtes-vous sauvées ? Car enfin, vous le fûtes, puisque vous voilà saines et sauves et parfaitement gaillardes.
— Vous allez voir, continua la Roussotte. Quand j’eus la corde au cou, je me mis à réciter en moi-même une prière pour tâcher au moins de sauver mon âme, puisque je ne pouvais plus sauver mon corps. Ayant entrouvert un œil, je vis que les deux géants avaient disparu. Nous étions l’une en face de l’autre, à genoux, chacune avec notre corde au cou. Je ne sais quelle figure je pouvais faire, mais celle de Pâquette m’épouvanta. Je voulus lui parler, mais aucun mot ne sortit de ma gorge. Alors, monsieur le chevalier, oh ! alors, il se passa une chose vraiment effrayante. Ecoutez… Comme je regardais Pâquette que je voyais blanche comme une morte avec des traits tout retournés, je vis que la corde qu’elle portait au cou et qui était accrochée au plafond par l’autre bout, oui… cette corde se mit à se tendre !… Pâquette poussa un cri comme j’ai entendu quelquefois les chats en pousser de pareils, sur les toits, dans les nuits de mars. Au même instant, elle se mit debout. Et dans ce même instant, je sentis que la corde que j’avais à mon cou se tendait aussi et moi aussi, je poussai le même cri.
— Oui, le cri de chat sauvage, hein ?
— Oui, monsieur le chevalier, dit la Roussotte ébahie. Et moi aussi je me mis debout !… Alors, j’essayai de défaire le nœud : impossible !… La corde se tendait. Elle m’attirait vers le plafond… mais elle se tendait lentement, si lentement, que je la voyais se tendre, monsieur. Oh ! je voulus l’arrêter, je la saisis… Mais la corde continuait de se tendre… Je ne puis vous exprimer ce qu’il y avait d’horrible pour moi à voir cette corde se tendre avec cette lenteur ; c’était mourir dans chaque seconde… Encore un peu, encore une petite secousse, et la corde m’enlèvera, je serai suspendue, je serai pendue.
— Tais-toi ! Tais-toi ! haleta Pâquette affolée.
— Quoi ! n’est-ce pas ainsi que les choses se sont passées ?…
— Oui !
Weitere Kostenlose Bücher