La Fausta
mains admirables qui semblaient taillées dans le marbre le plus pur, par un sculpteur de génie, se posèrent sur son sein avec une rudesse violente ; ses ongles acérés menacèrent sa propre poitrine, comme si vraiment elle eût été prête à s’arracher le cœur…
Peu à peu, elle s’apaisa. Cette physionomie reprit la majesté sereine qui la faisait si absolument remarquable. Lorsque Fausta se fut calmée, elle appela et donna un ordre à la servante qui se présenta.
Quelques instants plus tard, une jolie femme, légère, gracieuse, vive dans ses gestes et ses mouvements, entra souriante ; et elle était si légère dans sa marche qu’il fallait y regarder à deux fois avant de s’apercevoir qu’elle boitait quelque peu. Celle qui venait d’entrer dans le boudoir de Fausta était Marie de Lorraine, duchesse de Montpensier, sœur du duc de Guise, du duc de Mayenne et du cardinal de Guise.
— Quelles nouvelles ? demanda Fausta avec un sourire où il y avait peut-être une expression amicale qui ne lui était pas habituelle.
— Bonnes et mauvaises…
— Voyons d’abord les mauvaises…
— Parce qu’elles sont les plus redoutables ?
— Non, parce qu’elles sont généralement plus importantes…
— Eh bien, mon frère…
— Ah ! c’est le duc de Guise que concernent les mauvaises nouvelles ?
— Oui, ma reine… Là, il y a échec sur toute la ligne. D’abord Henri se réconcilie avec Catherine de Clèves, et ensuite il est plus que jamais épris de la petite chanteuse, surtout depuis sa disparition…
Fausta tressaillit. Et la duchesse de Montpensier put se rendre compte qu’elle venait en effet de lui porter un coup dur.
— Racontez, dit la princesse d’un ton bref.
— Eh bien, voici. Tout d’abord, sachez que mon frère a eu une entrevue avec la vieille reine.
— Je sais. Passez.
— Mais savez-vous aussi ce qui s’est passé dans cette entrevue ? Eh bien ! la Médicis s’est soumise !
— Vraiment ! dit Fausta sur un ton singulier.
— Je le tiens d’Henri lui-même.
— En sorte que voilà levé l’obstacle le plus redouté par le duc. Rien ne l’empêche donc de pousser sa victoire ?
— Oui. Et la preuve, madame, c’est qu’il veut s’emparer au plus tôt de la personne du roi.
— Vous êtes sûre que Guise va déployer une telle énergie ?
S’il y avait de l’ironie dans cette question, cette ironie était du moins si bien dissimulée que la duchesse de Montpensier n’en eut pas la perception. Elle répondit donc :
— Tout à fait sûre, madame. Mon frère m’a exposé son plan qui est admirable : feindre une soumission momentanée, aller trouver Valois sous prétexte de discussion et d’états généraux à assembler : y aller d’ailleurs avec des forces… nos plus intrépides ligueurs seront de la partie… J’en serai aussi, madame. Alors, on s’emparera de Valois, et… tout simplement, on l’enfermera en quelque bon couvent… non sans l’avoir tonsuré un peu.
Marie de Montpensier éclata d’un joli rire clair. Fausta demeura grave.
— C’est vraiment admirable, dit-elle simplement.
— Oh ! vous verrez, madame, continua follement la jolie duchesse, ce sera une haute comédie. Savez-vous qui tonsurera Valois ?… Moi, madame, moi-même !… J’ai déjà les ciseaux !
Et Marie de Montpensier agita dans un geste de menace les ciseaux d’or qu’elle portait suspendus à une chaînette.
— Vous en voulez donc bien au roi ? demanda Fausta.
— Au roi ?… Quel roi !… Vous voulez dire à frère Henri, madame ?… Oui, je lui en veux !… N’a-t-il pas eu l’audace de me conseiller devant toute la cour de me faire faire un soulier plus haut que l’autre ! Le misérable ! J’en ai pleuré de rage. J’entends encore le ricanement des mignons !
Et une larme pointa, en effet, aux yeux de la duchesse.
— Comme si je boitais ! reprit-elle. Voyez, madame, est-ce que je boite ? ajouta-t-elle en faisant quelques pas rapides et légers.
— Non, ma mignonne, vous ne boitez pas. Et il faut avoir l’âme perverse d’un Hérodes pour soutenir une telle monstruosité…
— N’est-ce pas ?…
Ce que ne disait pas la duchesse de Montpensier, ce que savait très probablement Fausta, ce que racontait en tout cas la chronique scandaleuse de cette époque où le scandale s’épanouissait en floraisons touffues, c’est que la belle duchesse avait eu un caprice pour Henri III ; que ce
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