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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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un homme sa propre femme. « Béni soit Dieu, dit
Bohort, et béni soit celui qui a commis une telle ruse ! Aucun charme
magique n’eut un aussi heureux résultat. Sois-en sûr, roi Pellès, de ton
lignage naîtra le vrai chevalier par qui les aventures du Saint-Graal seront
menées à leur terme, celui qui pourra s’asseoir sur le siège périlleux de la
Table Ronde, dont nul n’a pris possession sans être foudroyé. Si ce n’est pas
cet enfant, je ne sais pas qui pourrait l’être ! Lancelot est certes le
meilleur des chevaliers qu’il y eut en ce monde, mais je sais qu’il y aura
encore plus valeureux que lui. Les sages et les ermites le disent, et je sais
qu’en son temps l’enchanteur Merlin avait dit des choses en ce sens. » Et
Bohort ne pouvait s’empêcher de penser aux paroles de Morgane : elles
étaient semblables à celles qu’il avait entendues de la bouche même de la Dame
du Lac.
    De la fenêtre du manoir, Bohort apercevait un grand bâtiment
de pierre sombre qui se dressait contre le manoir où ils se trouvaient. « Seigneur,
dit-il au roi, n’est-ce pas là ce qu’on appelle le Palais Aventureux ? – Oui,
répondit le roi Pellès. Depuis que tu es arrivé ici, tu as été témoin de bien
des merveilles. Tu as vu la colombe qui nous dispense toutes les bonnes
senteurs du monde. Tu as également compris que le Saint-Graal nous procure
chaque jour la nourriture qui nous convient. Mais tout cela n’est rien à côté des
merveilles qui se produisent dans ce Palais Aventureux. – Par Dieu
tout-puissant, dit Bohort, puisque je suis venu ici, à Corbénic, je suis bien
décidé à ne pas partir avant d’avoir assisté à ces merveilles du Palais Aventureux.
– Seigneur, dit le roi, ne parle pas ainsi ! Par la foi que je dois à
Notre-Seigneur, ne tente pas cette épreuve, car tu n’en sortirais pas sans
honte ou sans dommage, et je ne voudrais pas, par la moitié de ma terre, qu’il
t’arrivât des aventures qui tourneraient à ta honte et à ta confusion. Moi-même,
j’en aurais beaucoup de chagrin, et j’en serais blâmé par beaucoup.
    — Roi, dit Bohort, ta sollicitude me touche, mais sache
que je n’ai jamais reculé devant une épreuve, la plus pénible fût-elle. Je t’assure
que je ne quitterai pas Corbénic avant d’en savoir davantage sur ce qui se
passe dans le Palais Aventureux. – Je reconnais là ton courage et ton
obstination, dit Pellès, et il n’est pas en mon pouvoir de t’interdire quoi que
ce soit. Je ne te demande qu’une seule chose : de ne pas tenter l’épreuve
cette nuit. Tu dormiras dans mon manoir et, demain, nous verrons si tu
persistes dans ta décision. Si telle est ta volonté, tu iras donc passer cette
autre nuit dans le Palais Aventureux. Mais je ferai les vœux les plus ardents
pour que tu puisses en sortir sans honte et sans dommage. – Mais pourquoi
refuses-tu de me laisser tenter l’épreuve cette nuit même ? – Je te le
dirai peut-être lorsque tu partiras de Corbénic, si toutefois Dieu te donne la
permission d’en partir. »
    Cette nuit-là, Bohort coucha dans une chambre, sous le donjon,
et le roi Pellès le traita avec tous les honneurs possibles. Le matin, à l’heure
de la messe, il dit à son hôte : « Bohort, si tel est ton désir de
passer la nuit prochaine dans le Palais Aventureux, tu dois t’y préparer. – Certes,
répondit Bohort. Que dois-je faire ? – Va donc t’entretenir avec un de nos
chapelains et confesse-toi avant d’être confronté aux épreuves qui t’attendent.
Quand tu seras lavé de toute souillure, je crois que tu seras en meilleure situation
que si tu restais entaché de vilenie. » Bohort tint ce conseil pour bon et
loyal. Aussitôt après la messe, il alla trouver l’un des chapelains du roi. Il
lui confessa toutes les fautes dont il avait pu se rendre coupable. Le
chapelain l’interrogea sur son existence, et Bohort lui décrivit toute sa vie, sans
en rien cacher, même ce qui s’était passé avec la fille du roi Brangore d’Estrangore,
bien que cette faute eût été commise contre son gré, sous le coup d’un
sortilège. À la sortie de l’église, il refusa, pendant toute la journée, toute
autre nourriture que celle qu’on lui avait servie auparavant.
    Le soir venu, Bohort s’arma et entra seul dans le Palais Aventureux,
tandis que ceux qui l’avaient accompagné jusqu’à la porte se retiraient, non
sans peur ni sans angoisse. Il attendit jusqu’à la tombée

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