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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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défilés périlleux, tant et si bien qu’il
arriva en forêt de Brocéliande et se retrouva sur un sentier obscur, plein de
ronces. Il se dit alors qu’il était sur la bonne voie et qu’il ne risquait plus
de s’égarer. Quoi qu’il dût lui en coûter, il finirait bien par découvrir la
clairière où se dressait le pin ombrageant la fontaine et le perron qui
provoquait la pluie et la tempête. Au bout du sentier, il vit le vallon boisé
dont lui avait parlé Kalogrenant. Il longea la rivière qui serpentait au fond
du vallon, passa sur l’autre rive et, tranquillement, marcha au pas jusqu’à une
plaine où il s’engagea jusqu’au moment où il vit la forteresse. Des jeunes gens
lançaient leurs couteaux, exactement comme Kalogrenant les lui avait décrits, avec
un homme blond, le maître du château, à côté d’eux. Au moment où Yvain allait
le saluer, l’homme blond lui adressa le premier son salut et le précéda au
château. Il aperçut une chambre, et, en y pénétrant, découvrit des jeunes
filles en train de coudre des étoffes de soie, assises sur des chaises dorées, plus
belles encore et plus gracieuses que ce qu’en avait dit Kalogrenant. Elles se
levèrent pour servir Yvain comme elles l’avaient fait pour Kalogrenant, et sans
doute pour Kynon, fils de Klydno.
    Au milieu du repas, l’homme blond demanda à Yvain le but de
son voyage. Yvain ne lui cacha rien : « Je voudrais, dit-il, me
mesurer avec le chevalier qui garde la fontaine qui bout, bien qu’elle soit
plus froide que le marbre. » L’homme blond sourit ; il éprouvait
quelque gêne à donner à Yvain des indications à ce propos, comme il l’avait
fait auparavant pour Kalogrenant, mais il le renseigna néanmoins complètement, car
il se doutait bien qu’Yvain ne reviendrait jamais sous le coup d’une défaite. Et
sur ce, ils allèrent se coucher.
    Le lendemain matin, Yvain trouva son cheval tout sellé et tenu
prêt par les jeunes filles. Il chemina jusqu’au grand pré où se trouvait l’homme
noir, celui qui gardait les bêtes sauvages, peut-être Merlin en personne, lui
avait-on dit. Il lui demanda son chemin avec beaucoup de courtoisie, sans s’inquiéter
de la taille et de la laideur du rustre. L’homme noir lui indiqua de façon très
précise le chemin qu’il devait suivre. Se conformant à tout ce qui lui avait
été révélé, Yvain aperçut bientôt l’arbre vert et la fontaine et, au bord de
celle-ci, la dalle de pierre avec le bassin servant à puiser de l’eau. Yvain ne
perdit pas son temps à examiner les lieux, car il voulait en finir au plus vite.
Il sauta à bas de son cheval, prit le bassin, le remplit d’eau dans la fontaine
bouillonnante et versa celle-ci sur le perron.
    Il avait à peine fini son geste qu’un coup de tonnerre
éclata et que le ciel se couvrit de nuages très noirs. Alors une ondée de pluie
et de grêle ravagea les feuilles des arbres aux alentours, et des tornades de
vent secouèrent la forêt comme si la fin du monde approchait. Puis la tempête
cessa brusquement. Le ciel redevint bleu et le soleil réapparut à travers les
branches dénudées. C’est alors qu’un vol d’oiseaux survint et se posa sur le
grand pin qui dominait la fontaine. Ils se mirent à chanter de façon si étrange
et si magnifique qu’Yvain, se mettant à rêver, ne sut bientôt même plus où il
se trouvait et ce qu’il avait décidé d’accomplir. Subjugué par le chant des
oiseaux, il vit venir à lui, à grande allure, un chevalier dont l’armure était
entièrement noire. Yvain, reprenant ses esprits, se dressa face à son adversaire
et les deux hommes se précipitèrent l’un contre l’autre, comme s’ils se
haïssaient à mort depuis toujours.
    Chacun avait une lance roide et forte. Dès les premiers
chocs, leurs boucliers furent percés et leurs hauberts mis à mal. Leurs lances
éclatèrent et volèrent en tronçons. Ils s’assaillirent alors à l’épée, se
frappant à tour de bras, dessus et dessous, déchiquetant les débris de leurs
boucliers, se tailladant bras et flancs à découvert. Toutefois, l’un et l’autre
restaient inébranlables, solidement campés sur leurs chevaux, ne lésinant pas
sur les coups. Chacun avait son heaume fendu et bosselé, et son haubert si
disloqué qu’il ne servait plus à rien, mais chacun savait aussi qu’il ne
céderait pas à son adversaire. Enfin, la bataille durant depuis plusieurs
heures, Yvain parvint à écarter le heaume du

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