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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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ce
que j’ai fait ne regarde que moi. Mais je suis sûre que, parmi tes compagnons, il
y en a bien un qui ait des aventures passionnantes à raconter. – Hélas, non, dit
Arthur. Personne n’a rien de nouveau à nous narrer, et tu sais bien que la
coutume veut que nous ne prenions place autour de la table qu’après avoir
entendu le récit de quelques merveilles ou avoir été les témoins de quelque
prodige. – Ce n’est pas ma faute si vous n’avez rien à raconter, dit Morgane, mais
pour ma part, je me tairai. Si je parlais, j’en aurais trop à dire, et cela ne
ferait pas plaisir à tout le monde. » La reine Guenièvre regarda Morgane
avec inquiétude. Visiblement, c’était à elle que sa belle-sœur en voulait. Quant
à Lancelot, il paraissait tout à fait indifférent. Il savait en effet que Morgane
ne dirait rien de compromettant sur Guenièvre et sur lui, parce qu’il ne dirait
rien lui-même sur ce qui s’était passé au Val sans Retour. « Allons, s’exclama
enfin Kaï, il y en a bien un parmi nous qui a une aventure à raconter. Qu’il
parle, sans attendre ! »
    On disait qu’il y avait un portier à la cour d’Arthur, mais
en réalité il n’y en avait point : c’était le redoutable Glewlwyt à la
Forte Étreinte qui remplissait ce rôle. Il recevait les hôtes et les gens venus
des pays étrangers, leur faisait connaître les manières et les usages de la
cour. Il indiquait à ceux qui avaient droit d’y entrer, la salle et la chambre,
à ceux qui avaient droit au logement, leur hôtel. Le roi Arthur était assis sur
un siège de joncs verts recouvert d’une étoffe de soie brochée d’or. Sous son
coude, il y avait un coussin de même étoffe, mais de couleur rouge. « Mes
compagnons, dit le roi, en attendant que l’aventure vienne à nous, ne vous
moquez pas de moi, mais je dormirais volontiers quelque peu en attendant le
repas. Quant à vous, continuez à converser, à boire de l’hydromel, à prendre
les tranches de viande que Kaï vous servira. » Cela dit, le roi s’endormit
aussitôt.
    C’est alors que Glewlwyt à la Forte Étreinte fit entrer un
chevalier dont le haubert était endommagé et qui portait sur le visage les
traces de nombreux horions. « Voici un homme, dit Glewlwyt, qui pourrait
bien vous divertir avec ses aventures. J’ajoute cependant que je ne crois pas un
mot de son histoire. – Approche, dit Kaï. Dis-nous qui tu es et d’où tu viens.
– Volontiers, seigneur, répondit le nouvel arrivant. Je me nomme Kalogrenant, et
j’ai une aventure extraordinaire à vous transmettre ! – Enfin ! s’écria
Kaï. Je commençais à m’ennuyer ferme. Viens t’asseoir près de nous. Le roi dort,
mais si ton histoire est vraiment passionnante, nul doute qu’il se réveillera. »
    Kalogrenant s’assit au milieu des compagnons d’Arthur et
commença ainsi son histoire : « Je suis fils unique de père et de
mère, et ai toujours été fougueux et d’une grande présomption. Je ne croyais
pas qu’il y eût au monde personne capable de me surpasser en n’importe quelle
prouesse. Après être venu à bout de toutes celles que pouvait offrir mon pays, je
me suis donc résolu à me mettre en marche vers les extrémités du monde. Ainsi, me
suis-je retrouvé un jour dans une forêt épaisse, sur un mauvais chemin plein de
ronces et d’épines, chevauchant, non sans peine pour mon cheval et moi-même. J’allai
ainsi tout le jour, tant et si bien que je sortis de la forêt que l’on nomme Brocéliande
pour entrer dans une grande lande. Comme je demandais où j’étais à un rustre
qui prétendait garder un troupeau de bêtes sauvages, celui-ci m’indiqua un
chemin qui menait vers une clairière où, à ce qu’il dit, je devais me soumettre
à une épreuve. Il y avait dans cette clairière une fontaine et il fallait y
puiser de l’eau pour la répandre sur le perron qui la surmontait. C’est ce que
je fis. Mais aussitôt que j’eus accompli ce geste, un violent orage éclata, imprévisible,
car le ciel était plus bleu et plus pur que jamais. Ce fut une tornade
épouvantable où les feuilles des arbres arrachées tourbillonnèrent avec
violence. Et, soudainement, la tempête cessa. Des oiseaux se rassemblèrent sur
un grand pin et se mirent à chanter si merveilleusement que j’en tombai en
extase. C’est alors que je fus provoqué par un chevalier tout de noir vêtu qui
prétendait que j’avais saccagé ses domaines. Nous nous battîmes

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