La fée Morgane
de fâcheux dans cette aventure
de la fontaine qui déchaîne les tempêtes. – Tu sais bien, mon oncle, qu’Yvain
est valeureux et audacieux. Je suis certain qu’il reviendra vainqueur de cette
épreuve. Néanmoins, si tu le désires, nous pouvons aller avec toi, sous la
conduite de Kalogrenant, nous rendre compte nous-mêmes du sort qui lui a été réservé.
S’il est vainqueur, nous pourrons ainsi le féliciter. S’il est prisonnier, nous
le libérerons et si, par malheur, il a été tué, nous le vengerons. – Tu as
raison, beau neveu, dit Arthur, faisons préparer dès maintenant nos chevaux et
nos armes. »
Le lendemain matin, Arthur et ses gens partirent. Il y avait
là son neveu Gauvain, Girflet, fils de Dôn, Kaï et Bedwyr, ainsi qu’un grand
nombre d’écuyers et de serviteurs. Kalogrenant leur servait de guide. Après
plusieurs jours de marche, ils arrivèrent à la forteresse où étaient venus
Kynon et Kalogrenant : les jeunes gens étaient en train de lancer leurs
couteaux à la même place, et l’homme blond était debout près d’eux. Dès qu’il
aperçut Arthur, il le salua et l’invita à passer la nuit dans sa demeure. Arthur
accepta volontiers l’invitation et ils entrèrent dans la forteresse, mais
malgré leur grand nombre, on ne s’aperçut pas de leur présence dans le château.
Les jeunes filles se levèrent pour les servir et Arthur et les siens ne furent
jamais mieux honorés et servis.
Au lever du jour, Arthur se mit en marche, toujours avec Kalogrenant
pour guide. Ils arrivèrent auprès de l’homme noir : sa stature parut
encore plus imposante à Arthur qu’on ne le lui avait dit. Mais il n’osa pas lui
demander s’il était vraiment Merlin ou quelque rustre héritier de la sagesse
des anciens druides. Ils gravirent le sommet d’une colline et suivirent la
vallée jusqu’à l’arbre vert, jusqu’à ce qu’ils aperçussent la fontaine avec le
bassin sur le perron. Alors Kaï dit à Arthur : « Roi, je connais
parfaitement le motif de cette expédition, et j’ai une prière à te faire :
c’est de me laisser jeter de l’eau sur la dalle et subir la première épreuve
qui viendra. » Arthur le lui permit.
Kaï jeta de l’eau sur la pierre et, aussitôt, il y eut un
grand coup de tonnerre, suivi de l’ondée de pluie et de grêle. Jamais ils n’avaient
été témoins d’une averse et d’un bruit pareils, et beaucoup de gens d’armes et
de valets de la suite d’Arthur furent tués par les grêlons. Mais l’ondée cessa
brusquement et le ciel redevint serein. Lorsqu’ils levèrent les yeux vers l’arbre,
il n’y avait plus de feuilles. C’est alors que les oiseaux descendirent sur le
pin : jamais, assurément, ils n’avaient entendu une musique comparable à
leur chant. Puis ils virent un chevalier monté sur un cheval noir, vêtu d’un
manteau sombre, qui galopait vers eux d’une allure ardente. Kaï alla à sa
rencontre et entreprit de l’assaillir. Mais le combat ne fut pas long et Kaï
fut jeté à terre. Le chevalier, sans dire un mot, dressa alors son pavillon un
peu à l’écart, dans un espace compris entre fourrés de ronces et ajoncs. Arthur
et ses gens en firent autant pour la nuit.
En se levant, le lendemain matin, ils aperçurent l’enseigne
de combat flottant sur la lance du chevalier noir. Kaï alla de nouveau trouver
Arthur : « Roi, dit-il, j’ai été renversé hier dans de mauvaises
conditions. Te plairait-il que j’allasse aujourd’hui me battre contre ce
chevalier qui est bien arrogant et sûr de sa victoire ? – Je te le permets
volontiers, répondit Arthur, et fais en sorte de lui donner une leçon. »
Kaï se dirigea alors vers le chevalier noir, mais le combat ne dura pas davantage
que la veille. Kaï de nouveau fut jeté à terre. Alors, le chevalier noir, comme
pour marquer son mépris, égratigna de sa lance son front, le heaume, la coiffe,
la peau, et même la chair jusqu’à l’os, de toute la largeur du bout de la hampe.
Kaï, péniblement, se releva et revint auprès de ses compagnons.
Alors, les gens d’Arthur allèrent tour à tour se battre
contre le chevalier noir, mais ils furent tous défaits les uns après les autres.
Bientôt, il ne resta plus debout qu’Arthur et Gauvain. « Fort bien, dit
Arthur, c’est à moi maintenant d’y aller et de venger l’affront. » Mais, comme
il revêtait ses armes pour aller lutter contre le chevalier, Gauvain lui dit :
« Mon oncle, laisse-moi
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