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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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à mon jugement sans te soucier de ce qui peut t’arriver ? – C’est
cela même, répondit Yvain. Sans mentir, il n’y a pas une force comparable à
celle qui me commande d’obéir à ton entière volonté. Je ne redoute rien de ce
qu’il te plaira d’ordonner à mon sujet. Et si je pouvais réparer le meurtre que
j’ai commis malgré moi, je le ferais aussitôt sans discuter. – Malgré toi ?
Donc, selon toi, tu n’as commis aucune mauvaise action lorsque tu as tué mon
seigneur ? – Par Dieu tout-puissant, dame, j’ai été attaqué par ton
seigneur. Que pouvais-je faire d’autre que de me défendre ? – Je pense en
effet qu’il aurait été coupable s’il t’avait tué, puisque c’est lui qui t’a
attaqué. Mais je voudrais bien savoir d’où te vient cette force qui te commande
de m’obéir sans réserve. Sache que je te tiens quitte de la mort de mon seigneur,
mais à la condition que tu m’expliques une telle résignation. » Yvain
parut fort embarrassé. Il finit par dire : « Dame, la force qui me
pousse vient de mon cœur qui est à toi. C’est mon cœur qui m’a mis en ce désir.
– Et qu’est-ce qui a mis ton cœur dans cet état ? – Ce sont mes yeux, dame.
– Et qu’est-ce qui a troublé tes yeux ? – La grande beauté que j’ai vue en
toi. – Mais cette beauté, qu’a-t-elle donc fait ? – Elle a tant fait que
je suis devenu amoureux. – Amoureux de qui, s’il te plaît ? – De toi, dame,
à jamais. – Et de quelle façon es-tu si amoureux ? – De telle façon qu’un
amour plus grand que le mien est inconcevable, que mon cœur ne peut plus se
séparer de toi, que je t’aime plus que moi-même, que je veux vivre ou mourir
pour toi ! – Qui te parle de mourir ? Il y a peut-être mieux à faire.
Serais-tu assez audacieux pour défendre ma fontaine comme avait coutume de le
faire mon défunt seigneur ? – Oui, dame, contre tout homme qui osera se
présenter. » La dame observa un court silence. « Sache donc que la
paix est conclue entre nous. Maintenant, retire-toi en compagnie de Luned, car
je dois prendre conseil auprès de mes vassaux. »
    Elle fit appeler les hommes de sa terre et, comme ils se trouvaient
tous dans la forteresse, ils ne furent pas longs à se réunir autour d’elle. Sans
plus tarder, elle leur signifia que le comté était vacant et fit remarquer qu’on
ne pouvait le maintenir que par chevalerie, armes et vaillance. Et elle ajouta :
« Je vous donne à choisir : ou l’un de vous me prendra comme épouse, ou
vous me permettrez de choisir un mari qui soit étranger à cette terre, mais qui
soit capable de la défendre contre tous nos ennemis. » Ils délibérèrent et
décidèrent de lui permettre de choisir un mari en dehors du pays, pourvu que ce
fût un homme de haut lignage et d’une grande vaillance, qui ne leur ferait pas
honte et qui saurait défendre leurs droits. « Alors, dit-elle, vous serez
satisfaits, car j’ai choisi le plus preux de tous les chevaliers de ce siècle, et
qui plus est, compagnon de la Table Ronde. Il s’agit d’Yvain, le fils du roi
Uryen. » Ils applaudirent fort à cette annonce, et la dame fit appeler ses
chapelains pour qu’on célébrât sans tarder le mariage. Ainsi, furent unis sans
délai Laudine de Landuc, fille du duc Laudunet, et Yvain, fils du roi Uryen
Rheged.
    Le mort fut vite oublié. Le meurtrier était le mari de la
veuve et les gens du pays prisaient davantage le vivant qu’ils n’avaient
respecté le défunt. Tous les hommes du comté prêtèrent hommage à Yvain qui
garda la fontaine avec lance et épée. Tout chevalier qui y venait fut terrassé
et rançonné selon son rang et sa valeur, rançon qui était partagée entre barons
et chevaliers, au grand contentement de tout le monde [21] .
    Pendant ce temps, à Kaerlion sur Wysg, le roi Arthur se promenait
un jour en compagnie de son neveu Gauvain, de son vieux compagnon Bedwyr et de
son frère de lait Kaï, qui était aussi son sénéchal. Gauvain remarqua que son
oncle était triste et taciturne. Très peiné de le voir dans cet état, il lui en
demanda la raison. « Par Dieu tout-puissant, Gauvain, répondit le roi, je
suis inquiet à propos d’Yvain, le fils du roi Uryen. Il n’a pas donné de ses
nouvelles depuis qu’il est parti, il y a plusieurs semaines, sur un défi de
Morgane, pour venger l’honneur de Kalogrenant, de Kynon et même de son père
Uryen. Je souhaite qu’il ne lui soit rien arrivé

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