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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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aller le premier contre notre adversaire. Si je
suis vaincu, il te sera toujours possible de nous venger. – Fort bien, dit
Arthur, je te laisse aller si tu le veux, beau neveu, mais à une condition :
sois vainqueur. – Je le serai, affirma Gauvain avec force. Tu sais bien que je
ne suis jamais revenu vaincu d’une semblable épreuve. »
    Il alla donc combattre le chevalier noir. Comme il était
revêtu ainsi que son cheval d’une grande cape de soie brochée d’or que lui
avait envoyée la fille du comte d’Anjou, personne ne pouvait le reconnaître. Les
deux champions se toisèrent, s’attaquèrent et se battirent, ce jour-là, jusqu’au
soir, et cependant on vit bien qu’aucun d’eux n’était sur le point de jeter l’autre
à terre. Comme la nuit tombait, le chevalier noir se retira sous son pavillon
et Gauvain revint vers le roi Arthur qui le félicita d’avoir tenu si longtemps
en face d’un aussi redoutable adversaire. Après quoi, ils prirent un repas très
frugal et succombèrent au sommeil.
    Le lendemain matin, bien remis de leurs fatigues, Gauvain et
le chevalier noir reprirent le combat. Ils luttaient avec de lourdes lances, multipliant
chacun leurs prouesses, mais aucun d’eux ne parvenait à triompher de l’autre. Ils
interrompirent le combat à la nuit tombante et s’en allèrent se reposer, chacun
de son côté.
    Le jour suivant, ils s’élancèrent au combat avec des lances
encore plus solides, grosses et robustes. Enflammés de colère, ils se
chargèrent avec fougue jusqu’au milieu du jour et, enfin, un choc violent, donné
de part et d’autre, fit rompre les sangles de leurs chevaux ; tous deux
roulèrent sur le sol. Ils se relevèrent vivement, tirèrent leurs épées et se
battirent avec encore plus d’acharnement. Jamais, de l’avis de tous ceux qui
étaient là, on n’avait vu deux hommes aussi vaillants, aussi forts et aussi
endurants, à tel point que si la nuit avait remplacé le jour, elle eût été
éclairée par le feu qui jaillissait de leurs armes entrechoquées. Enfin, le
chevalier noir assena à Gauvain un tel coup que son heaume découvrit son visage,
et qu’il reconnut Gauvain.
    « Gauvain ! s’écria Yvain, je ne te reconnaissais
pas à cause de cette cape qui te masquait ! Tu es mon cousin germain. Tiens,
prends mon épée et mes armes. – C’est toi qui es le maître, Yvain, répondit
Gauvain. C’est toi qui es le vainqueur de ce combat. Il est juste que tu
prennes mon épée. » Arthur, remarquant la situation où ils se trouvaient, s’approcha
d’eux. « Roi Arthur, dit Gauvain, voici Yvain à la recherche de qui nous
sommes, et qui te causait tant de chagrin lorsque tu n’avais pas de ses
nouvelles. Le voici donc, en pleine santé, et plus valeureux que jamais. C’est
lui qui est le vainqueur du combat, pourtant il ne veut pas accepter l’épée que
je lui remets bien volontiers. – Non, seigneur roi, dit Yvain, c’est Gauvain
qui m’a vaincu, et il ne veut pas recevoir de moi l’épée à laquelle il a droit,
du fait de sa prouesse et de sa vaillance. Oblige-le, je te prie, à la prendre
sans plus de discussion. » Le roi Arthur réfléchit un moment. « Il y
a une solution, dit-il enfin. Donnez-moi tous les deux vos épées. Ainsi n’y
aura-t-il ni vainqueur ni vaincu. » Yvain jeta ses bras autour du cou d’Arthur,
et ils se donnèrent l’accolade avec beaucoup d’amitié. Les autres compagnons accoururent
vers eux. Il y eut tant de presse et de hâte pour voir Yvain et l’embrasser que
peu s’en fallut qu’il n’y eût des morts. Ils passèrent la nuit dans leurs
pavillons.
    Le lendemain, Arthur manifesta l’intention de se remettre en
route et de regagner Kaerlion sur Wysg. « Seigneur roi, dit Yvain, ce n’est
pas ainsi que tu dois agir. Il y a déjà de nombreuses semaines que je t’ai
quitté pour réparer le tort qu’avait subi Kalogrenant et, du temps de ton père,
le roi Uther, à Kynon, fils de Klydno. Or, aujourd’hui, cette terre m’appartient
de plein droit, et je ne peux, sans être déshonoré, te laisser repartir sans
que tu viennes dans ma forteresse. Depuis que je suis maître du pays, j’ai
préparé un festin pour toi et tes compagnons. Je savais qu’un jour ou l’autre, tu
me rechercherais. Tu viendras donc avec moi jusqu’à ma demeure pour te délasser
de tes fatigues, avec tes gens. Vous aurez des bains en abondance, de la bonne
nourriture et des breuvages choisis parmi les

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