La Femme Celte
quant à
l’origine de ce nom de « lac de Diane », une bien curieuse histoire.
Le Lac de Diane (roman courtois) : Merlin conduit Viviane au bord du lac de Diane, et là
se trouve un tombeau sur lequel est inscrite l’épitaphe de Faunus. Merlin
raconte l’histoire de Diane, qui « régnait au temps de Virgile ».
Elle s’était établie en Brocéliande et avait fait bâtir un manoir au bord de ce
lac. Elle avait un amant, Faunus, à qui elle avait fait jurer de renoncer au
monde pour elle. Puis un jour, elle aima un autre chevalier du nom de Félix, et
songea à se débarrasser de Faunus. Un jour qu’il était blessé, elle le fit
descendre dans un tombeau sous prétexte de le guérir, et referma la pierre sur
lui. Ainsi périt Faunus, mais quand Diane raconta ce qu’elle avait fait à
Félix, celui-ci lui coupa la tête : c’est depuis ce temps que le lac est
appelé « lac de Diane » ( Estoire de Merlin ).
En dehors de la fin moralisante de cette histoire, et qui dénote
un état d’esprit nettement masculin, nettement paternaliste (les pauvres hommes
sont les victimes des méchantes femmes qu’il faut punir), qui ne reconnaîtrait
dans la légende de Faunus et de Diane, d’abord le doublet de l’histoire de
Merlin et de Viviane, ensuite le souvenir de l’ancien culte de la Diane scythique,
c’est-à-dire d’Ischtar qui tue son amant, ou Cybèle qui frappe de folie Attis
qui en est réduit à se châtrer, ou encore Aphrodite qui s’arrange pour faire
tuer Adonis par un sanglier ? Il y a loin de cette divinité cruelle et
luxurieuse à l’image stéréotypée de la Chaste Diane. Pourtant c’est son visage
authentique, et sa cruauté n’est pas autre chose que la constatation d’une
évidence : c’est la déesse-mère qui donne la vie et qui la reprend. De la
même façon, elle est celle qui accorde ses faveurs, et qui les retire quand
elle le veut. Ainsi se trouve vérifiée la double qualité de la Déesse :
elle est Mère, et elle est Vierge, c’est-à-dire perpétuellement disponible,
entièrement libre.
On voit donc, que Viviane a beaucoup de points communs avec
le mythe de Diane, mais avec le mythe authentique de la Déesse Scythique, non
pas avec le mythe aimable et tranquillisant que la statuaire de l’époque
romaine et de la Renaissance nous a légué. D’ailleurs, même Racine a compris la
valeur profonde du mythe ancien. Comment en effet expliquer qu’Hippolyte, dans Phèdre , puisse être sacrifié alors qu’il a toutes
les vertus et toutes les qualités ? La réponse tient en peu de mots :
Hippolyte est un prêtre de Diane ; or il a jeté les yeux sur Aricie, et
c’est une trahison que Diane ne peut pardonner, car elle s’était réservé
l’exclusivité du jeune homme. Et toute la tragédie de Phèdre n’est au fond qu’un sacrifice expiatoire, parfaitement
conforme avec la vocation antique de la tragédie.
Voilà donc qui est Viviane [173] :
la Vierge jalouse à qui l’on doit un culte exclusif. Cela devrait donner des
indications nouvelles pour l’Étude de l’Amour courtois dont on a tant parlé et
qu’on a voulu rattacher à des doctrines venues du plus lointain Orient. En
fait, il y a dans l’Amour courtois, entre autres
choses , le souvenir très net du culte de la Déesse-Mère indo-européenne,
avec tout ce que ce culte comporte d’éléments archaïques incompréhensibles dans
un XII e siècle christianisé à l’extrême,
en particulier la soumission inexplicable de l’Homme à la Femme, détail qui se
rapporte au concept de souveraineté détenue à l’origine par la femme, et par
conséquent par la Déesse dont elle n’est que la prêtresse.
Mais on objectera que Viviane, si elle peut être considérée
comme Vierge, d’après la définition que nous avons donnée de la Virginité,
n’est pas une Mère, comme l’est Arianrod, comme l’est Rhiannon, comme l’est
Keridwen. Elle est pourtant mère, elle aussi, comme en témoigne un autre
épisode des Romans de la Table ronde, nettement d’origine armoricaine,
celui-là, concernant l’enfance et l’éducation de Lancelot du Lac.
La Dame du Lac (roman courtois) : Le roi Ban de Bénoïc, en guerre contre son voisin
Claudas de la Lande, s’enfuit secrètement de sa forteresse de Treb pour aller
demander du secours au roi Arthur. Il emmène avec lui sa femme et son jeune
fils, encore bébé. Arrivé en forêt de Brocéliande, Ban monte sur un tertre et
voit sa
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