La Femme Celte
archaïques de la divinité féminine.
Nous l’avons vue, chez les Celtes, sous ses différents
visages, ou plutôt sous les différents masques que lui ont donnés les hommes.
Tous les noms qu’on a pu lui donner ne doivent pas nous faire oublier qu’il
s’agit d’un être unique, la mère primordiale, la déesse primitive, la grande
reine des commencements.
Cette grande reine des commencements, nous l’avons vu apparaître,
en même temps que le roi Pwyll, sur le tertre d’Arberth. Elle montait un
coursier fougueux, et seul pouvait la rejoindre celui qui était l’élu de son
cœur. Avant l’arrivée de Rhiannon, le roi n’était rien : il attendait,
dans l’immensité de l’univers, comme Çiva, il attendait que vînt la force, la
puissance. Mais de son côté Rhiannon, puisque tel est son nom dans l’épopée
galloise, errait sans but : il lui fallait découvrir celui avec qui elle
allait construire le monde [188] .
Parallèlement, après la disparition du vieux roi Pwyll, le
jeune fils retrouvé, Pryderi (autrement dit Mabon ),
devient le compagnon indispensable de Rhiannon. C’est lui qui, dans la
troisième branche du Mabinogi , marie Rhiannon
à Manawyddan, dont le rôle est loin d’être très clair dans toute cette légende [189] .
Et lorsqu’il disparaît dans la forteresse enchantée, Rhiannon l’y rejoint. Le
monde alors est vide, désert, désolé. Manawyddan reste seul en compagnie de
l’épouse de Pryderi (mais c’est une création purement littéraire) et rien ne
peut se passer avant qu’il ne puisse libérer la mère et le fils. Alors
l’enchantement tombe et l’univers se repeuple. Ce fragment de légende, contenu
dans la troisième branche du Mabinogi , apparaît
comme bien plus ancien que celui très evehmerisé de la première branche (la
rencontre de Rhiannon et de Pwyll, la naissance et l’enlèvement de
Pryderi) : il donne la clef du personnage de Rhiannon, qui est avant tout
la régente de l’univers, celle grâce à qui
l’énergie est mise en mouvement. Et à ce stade du mythe, il faut y voir le
correspondant exact de la légende de Modron et de Mabon (la mère à la recherche
de son fils disparu), autre forme, plus celtique et plus conforme à la
tradition que l’histoire grecque rationalisée de Déméter à la recherche de sa
fille Korè. Cela montre enfin que le nom de Rhiannon doit avoir une importance
exceptionnelle, puisqu’on fait jouer à celle-ci, sous ce nom, un rôle
exceptionnel.
Et que signifie ce nom de Rhiannon ?
La plupart des celtisants admettent que Rhiannon provient
d’un ancien * Rigantona , ce qui voudrait dire
« la Grande Reine [190] ». Le seul ennui
est que l’étymologie est une science qui repose bien souvent sur des éléments
conjecturaux. La signification de Grande Reine convient fort bien au
personnage, mais est-elle la seule possible ? Il semble bien que non.
En effet, la forme Rhiannon suppose bien un suffixe ona connu et prouvé
dans d’autres noms de déesses gauloises (Dibonna, Matrona) et on trouve dans le
nom le groupe Ande , particule intensive
gauloise (G. Dottin, La Langue gauloise , p. 227),
équivalente au gaélique ind et au
breton-armoricain an . Nous aurions donc une
forme ancienne Rig-ant-ona , et l’évolution
phonétique paraît absolument normale. Notons en passant que cette forme suppose
un mot fixé bien avant la spécification du gallois, puisqu’on n’y retrouve
aucun terme vraiment resté dans la langue galloise, notamment rhi (de rig ) qui
serait devenu rhwyf (ou ruev ), supplanté dès le XI e siècle
par teyrn (bret. arm. tiern ) provenant de tigernos ,
ou encore par brenhin (de bren , hauteur). Mais le malheur veut que rig (ou r eg ), en
gaulois, analogue au rex latin et au raj sanskrit, signifie roi et non pas reine . Reine se dit en gaulois regena , analogue au latin regina ,
et a donné le breton armoricain rouan , puis rouanez . Si Rhiannon signifie bien « la Grande
Reine », ce n’est pas à un hypothétique * rigantona ,
qu’il faut se référer, mais à un * Regenant-ona [191] .
Cette constatation étant faite, il n’est pas plus impensable
ni moins conforme à la phonétique, de prétendre que Rhiannon peut provenir d’un
hypothétique Regen-annon ou * Regen-Ana-Ona . Expliquons-nous : la seconde
partie du terme Rhiannon est assez intrigante pour qu’on s’y étende et pour
qu’on tente d’y voir quelque chose de plus conforme encore au rôle tenu par
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