La Femme Celte
ressent du fait qu’il n’est plus appuyé sur la nature.
Cette querelle entre nature et raison, qui d’ailleurs a été
toujours une fausse querelle, est responsable de l’aveuglement de cette société
qui, en voulant corriger l’instinct, a coupé l’être humain de ce qui était sa
nature.
Car l’instinct ne se corrige pas. Il se sublime, il se
transcende, et cela grâce à une Raison qui le dirige mais qui en aucun cas ne
doit l’enfermer dans des cadres étroits, ni le nier. Et l’instinct fait peur,
parce qu’il est fort, parce qu’il est inéluctable. Cette étude systématique du
Principe Féminin chez les Celtes, a au moins le mérite de mettre en lumière que
l’instinct est primordial, au sens étymologique du mot, qu’il est nécessaire,
qu’il est facteur de progrès et d’évolution.
Mais l’instinct a quelque chose de sauvage, même de
« barbare ». C’est par là qu’il atteint d’ailleurs le
« grandiose ». Il est l’unique moteur de nos sentiments, de notre
action. Et, compte tenu de nos habitudes morales, il est parfois pénible de le
formuler, de le regarder en face : car la vérité est choquante. Quand on
ose affirmer que tous les rapports entre homme
et femme, quels qu’ils soient (conjugaux, filiaux ou autres), sont nécessairement des rapports incestueux entre mère et
fils [186] , c’est s’attirer les
critiques les plus âpres, c’est se faire traiter d’obsédé. Et pourtant…
L’homme est en effet un être incomplet, et il s’en rend
compte. Sa peur et son attirance du gouffre obscur (le néant d’où il vient), sa
peur et son vertige devant la mort (le néant où il ira), en font un être
fragile qui cherche à tout prix une sécurité.
Cette sécurité, c’est la mère, pour l’homme, comme pour la femme. Mais l’homme,
physiquement et affectivement, possède le moyen de rentrer, du moins provisoirement , dans la mère. Il n’est pas besoin
d’insister : la psychanalyse de n’importe quelle tendance a suffisamment
mis en lumière que le pénis, petite partie de l’homme, mais partie extérieure
et susceptible de s’accroître, constitue le substitut de l’homme tout entier.
L’homme peut donc, dans certaines occasions, réactualiser de façon fantasmatique
le retour au paradis qui est la mère.
Et toute femme est une mère, réelle ou potentielle. L’homme
est donc biologiquement soumis à la femme ,
qu’il le veuille ou non. Il est le contenu ,
tandis que la femme est le contenant :
cela constitue un état d’infériorité très net pour l’homme, qui passe ensuite
son temps à nier cette réalité pour se prouver à lui-même qu’il est supérieur.
C’est ce qui explique l’action masculine, le fait que les hommes sont doués
pour l’action, pour la violence, pour le combat. Cette action est le seul moyen
qui leur reste pour tenter de s’affirmer.
Et si l’homme est le contenu, donc un être inférieur, il
s’arroge le droit d’un être supérieur en montrant que sa force active est seule
capable de protéger l’espèce. Il a su même persuader la femme de cette
supériorité, symbolisée par la reconnaissance du pénis du petit garçon à sa
naissance, par sa mère, ou par toute autre femme ayant aidé à l’accouchement.
Le fameux cri : « C’est un garçon ! », répété par des
générations, en dit long sur sa signification réelle. Quand une fille naît dans
une famille, on l’accepte ; quand c’est un garçon qui naît, on se réjouit [187] .
Cependant, le contenant , la
mère, autrement dit la femme , est elle-même la
réalisation du Paradis. Elle le réalise, ce Paradis, sous deux aspects d’une
seule réalité : elle contient son enfant et son amant. Au reste, comme
certains psychanalystes l’ont fait remarquer, le vagin de la petite fille n’est
pas reconnu par la mère, ni par le père, au moment de la naissance. Or cette
reconnaissance se fera quand même un jour, et par l’homme. Donc la femme a
besoin de l’homme pour s’affirmer elle-même, pour prendre conscience de ce
qu’elle est, et surtout de ce qu’elle peut. Ainsi les deux êtres qui
constituent l’humanité sont inéluctablement liés. L’homme a besoin de la femme,
la femme a besoin de l’homme. Si nous traduisons en langage mythologique, cela
nous donne : l’homme a besoin d’une déesse, mais
la déesse a besoin de l’homme . Et c’est pourquoi se sont perpétués, sous
des formes très diverses, les cultes
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