Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
salutations manuelles charment Lilith qui
se renverse, se tord et se bombe. Mais devenu, devant la femme qu’il ignore,
soudainement stupide, Satan se met à la pétrir comme une lourde pâte ; il
bave, ses yeux saignent ; il se démène ainsi qu’un forcené : il
grogne, il aboie, il mord… Alors Lilith, d’une adroite caresse, le rend
docile : elle s’agenouille, sérieuse, adorant et baisant le mâle ;
puis elle se couche, entraînant dans sa chute le démon assagi, qui a compris
enfin de quelles œuvres Lilith est avide, et de quelles pollutions.)
    SATAN. – Oui, tels devaient être nos premiers
baisers, à nous ! nous avons pour jamais faussé l’amour ! nous lui
avons mis la tête en bas ! Femelle, je t’adore !
    LILITH. – Mâle, je t’adore !
    S. – Femelle, à toi mes éjaculations du soir.
    L. – Mâle, à toi ma prière du matin.
    S. – Je humerai ton sexe comme un bouquet de
lilas.
    L. – Je donnerai la becquée à ton sexe comme à
un petit oiseau.
    S. – Mon univers est là, sous cette ombre.
    L. – Mes joies emplissent ma main.
    S. – Nous avons communié sous les deux espèces…
Tu ne comprends pas ? Dans quatre ou cinq mille ans, cette plaisanterie
aura quelque sel. Tu verras, c’est assez blasphématoire [228] .
    L. – Ô mon pain quotidien !
    S. – Ô ma coupe de vin nouveau !
    L. – J’ai faim de ta chair, ô mon bouc.
    S. – J’ai soif de ton sang, ô ma louve.
    (Ils se jettent l’un sur l’autre ainsi que sur
des proies et se tordent en de furieuses courbes ; puis ils s’affaissent,
écrasés, la bouche ouverte, les doigts comme des crocs, recourbés vers la
paume.)
    LILITH. – (La première et d’une voix
luxurieusement lasse qui, après chaque invocation, meurt en une caresse) : Iod , ô mâle, Dieu et Phallus, axe du Monde et
axe de l’Esprit, je te révère, Iod , ô
mâle !
    SATAN. – Hé , ô
femelle, Matrice et Beauté, indolence spirituelle, lascivité, je te révère, Hé, ô femelle !
    L. – Ô Copulation, femelle et mâle, trombe et
calice, obscurité du demain, je te révère, Va ,
ô copulation !
    S. – Hé , ô
femelle !
    L. – Ne m’appelle pas Hé ,
appelle-moi Stérilité. Ne suis-je pas l’Inféconde ?
    S. – Non, ton fils sera Sodome, et ta fille
Gomorrhe.
    L. – Qu’ils soient bénis, mais qu’ils soient les
uniques – et je serai la Mère heureuse entre les mères. Amen. Ô Père des vices
futurs, donne-moi la joie de mes lèvres » (R. de Gourmont, Œuvres , 1891-1892, tome VI, p. 31).
     
    À travers ces litanies de Satan et de Lilith, on peut reconnaître
l’ambiguïté profonde et permanente du désir masculin, à la fois tenté et
effrayé par la Femme, et le portrait que les rêves inconscients de l’homme
tracent de cette Femme non aliénée , non
retouchée par les structures de la société masculine. C’est le tabou jeté sur l’amour, possession totale de deux
êtres en dehors de toute finalité biologique, qui est dénoncé par Rémy de
Gourmont. Mais en même temps que ce tabou est
dénoncé, il est officialisé, légalisé : un tel amour qui donnerait à la
femme la totalité de son pouvoir, est tellement inquiétant qu’il importe de le
culpabiliser à nouveau et plus durement. La contradiction interne mise en
évidence par ce texte est la contradiction interne de la psychologie masculine
au cours des siècles. Lilith ne peut apporter qu’un amour maudit , comme Blodeuwedd. Et aussi comme Pandore, la
première femme de la mythologie grecque, celle que créa Prométhée, le voleur de
feu, et qui déversa sur le monde des maux et les vices qui étaient enfermés
dans sa boîte.
    C’est encore l’esprit de Lilith qui anime les filles de Loth
dont nous parle la Genèse (XIX, 31-32) lorsqu’elles
décident d’enivrer leur père pour conserver leur descendance qui, sans cela, risquerait
de s’interrompre. Il s’agit ici d’un témoignage de l’instinct vital,
apparemment en contradiction avec le thème de l’« inféconde » Lilith.
Mais le fait que les filles de Loth se révoltent contre la loi paternelle, pour
la sauvegarde de la race, n’en est pas moins le symbole de la puissance
féminine, seule capable d’assurer l’avenir. La tradition rabbinique n’a
d’ailleurs pas laissé de côté cet aspect du problème. Certains textes mettent
en valeur la prédominance de la femme et sa capacité de susciter elle-même le
désir de l’homme. C’est Lilith, puis Ève, qui font

Weitere Kostenlose Bücher