La Femme Celte
est renforcée par la présence des oiseaux de la déesse-mère Rhiannon,
et aussi par la présence de Branwen, dont le nom veut dire – entre autres –
« Sein Blanc », et qui pourrait fort bien être la porteuse de la
tête, donc la porteuse du Graal. Il semble donc que ce passage du récit de
Branwen soit l’un des aspects de l’archétype primitif du Graal, et ce n’est pas
seulement une hypothèse : des auteurs du Moyen Âge avaient certainement connaissance
de cette légende de la tête coupée de Brân, puisqu’on la retrouve dans des
ouvrages qui concernent les chevaliers de la Table ronde et la Quête du Graal.
Troisième Continuation
de Perceval (Manessier) : Au cours des tribulations de la quête,
Perceval doit combattre un certain Partinal de la Tour Rouge. Il abat son adversaire,
lui coupe la tête, la suspend à sa selle (comme les Gaulois décrits par Diodore
de Sicile, V, 29), et revient au Château du Graal. Le Roi-Pêcheur, blessé et
boiteux, se dresse sur ses pieds, parfaitement guéri,
dès qu’il aperçoit la tête . Perceval lui fait don de la tête. Le roi le
remercie de l’ avoir vengé de son ennemi , et il
fait placer le trophée au sommet de la plus haute tour (édition Potvin, vers
48 340 et suiv.).
Dans cette anecdote, le thème de la vengeance apparaît comme
essentiel, puisque c’est en fait elle qui guérit le roi blessé, et cela à la
seule vue de la tête qui la symbolise. On pourra épiloguer longuement sur la
fantaisie des continuateurs de Chrétien, et surtout on pourra leur faire grief
d’avoir déformé l’aspect primitif du Graal, il n’en reste pas moins vrai qu’ils
ont eu à leur disposition des légendes écrites ou orales d’origine celtique.
Comment expliquer autrement la permanence du thème de la vengeance lié à la
blessure du roi, à la tête coupée et au festin dans le château ? On
retrouve tout cela dans un ouvrage du XIV e siècle,
écrit en latin par Pierre Bercheur, à propos d’une aventure survenue à Gauvain,
qui semble bien, d’après de nombreuses références, être non seulement l’un des
compagnons les plus anciens d’Arthur, mais aussi le héros de la quête
primitive.
Reductorium Morale (Pierre Bercheur) : Galvagnus (Gauvain) a échappé à ses ennemis en
plongeant sous un lac. Là il découvre un palais immergé et il y pénètre. Dans
une salle, « une table était dressée, chargée de mets, et un siège
préparé. Mais il ne vit pas de passage par où s’en aller. Alors comme il avait
faim et qu’il s’apprêtait à manger, il aperçut soudain la tête d’un homme mort
placée sur un plateau, et un géant qui gisait sur une civière, près du foyer.
Le géant se redressa d’un bond, heurta le plafond avec sa tête et cria à
Gauvain qu’il ne fallait pas toucher à la nourriture. Il ne put manger en
effet, et après de nombreuses choses merveilleuses, il parvint à s’échapper,
mais il ne sut jamais comment » (éd. de 1521, livre XIV, folio 319).
On serait tenté de voir dans le géant le même personnage que
Brân le Béni, celui-ci étant gigantesque et pouvant même, à l’occasion, servir
de pont sur une rivière pour faire passer ses guerriers. En tout cas, il y a
bien la tête placée sur un plateau et un festin qui est préparé. Mais Gauvain
n’a pas le droit de toucher au festin. Il en est indigne, comme il l’est dans
la Quête cistercienne. Quant au siège préparé
pour celui qui devait venir, il ressemble étonnamment au Siège Périlleux
préparé à la Table ronde et destiné à Galaad, celui qui accomplira les
aventures et les mènera à leur terme. Mais l’aventure de Gauvain n’est pas
unique : elle apparaît encore une fois, un peu déformée, dans une des
suites du Perceval de Chrétien.
Première Continuation
de Percecal (Pseudo Wauchier I) : Gauvain pénètre dans le Château
de Brân de Lis, lequel se trouve au bord d’une rivière. Il arrive dans une
grande salle et aperçoit un repas tout préparé. Mais lorsqu’il veut manger, il
découvre plus d’une centaine de têtes de sangliers sur un plateau. Effrayé, il
se signe, et voit alors un chevalier étendu sur un lit, près du feu. Le
chevalier, qui est Brân de Lis, se réveille et attaque Gauvain (éd. Roach).
Brân de Lis (Brân de la Cour) est évidemment Brân le Béni.
Il est aussi le Roi-Pêcheur : un texte qui sert de préface au Perceval de Chrétien (mais qui a été écrit
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