La Femme Celte
vaincu et tué
par les Gaulois Boiens, et dont le crâne enrobé d’or, servit de vase rituel
(Tite-Live, XXIII, 24). Il n’y a pas loin entre cette tête enrobée d’or et qui
sert de vase, et le Graal lui-même.
L’ARCHÉTYPE ÉPIQUE DU GRAAL
C’est par l’étude du Graal-Tête et du Graal-Pierre que nous
allons découvrir ce qu’était la version primitive épique de la cérémonie du Graal et de la quête qui y conduit. Mais comme cette version
est imprégnée du caractère épique qui est la marque d’une civilisation
guerrière, paternaliste, il faudra ensuite, en faisant abstraction de ce qu’est
devenue la quête chez les auteurs chrétiens du XIII e siècle,
remonter le temps et tenter de découvrir la quête mystique païenne,
c’est-à-dire l’archétype religieux qui a provoqué l’éclosion, puis le
développement de la légende. Le résultat en sera assez inattendu.
L’un des récits les plus anciens du Pays de Galles, représentant
la tradition brittonique avant la séparation des Bretons, la seconde branche du Mabinogi , nous présente une histoire de Tête
Coupée qui est bien connue, mais qui mérite qu’on s’y attarde encore :
c’est l’histoire de Brân le Béni, personnage mythologique considérable que
certains érudits ont cru reconnaître dans le roi Ban de Bénoïc, père de
Lancelot du Lac, et qui, de toute façon, est un des nombreux aspects du
Roi-pêcheur.
La Tête de Brân (Pays de Galles) : L’expédition montée en Irlande par Brân et les Bretons,
afin de venger l’affront fait à sa sœur Branwen et de récupérer un chaudron magique
qui ressuscite les morts, tourne au désastre. Brân, blessé
au pied par une lance empoisonnée , demande aux sept survivants bretons
de lui couper la tête et d’emporter cette tête avec eux. Il en est fait ainsi.
Les sept survivants, en compagnie de Branwen, abordent à Harddlech et s’y
installent. « Ils commencèrent à se pourvoir en abondance de nourriture et
de boissons, et se mirent à manger et à boire. Trois oiseaux vinrent leur
chanter un chant auprès duquel étaient sans charme tous ceux qu’ils avaient
entendus. Ce repas dura sept ans ; au bout de la septième année, ils
partirent pour Gwales en Penvro. » Là ils s’installent dans une grande
salle, la tête de Brân bien exposée. « Quoi qu’ils eussent vu de
souffrances, quoi qu’ils en eussent éprouvé eux-mêmes, ils ne se rappelèrent
rien, non plus qu’aucun chagrin au monde. Ils passèrent quatre-vingts années de
telle sorte qu’ils ne se rappelaient pas avoir eu meilleur temps ni plus
agréable dans toute leur vie. Ils n’étaient pas plus fatigués ; aucun
d’eux ne s’apercevait que l’autre fût plus vieux de tout ce temps qu’au moment
où ils y étaient venus. La compagnie de la tête ne leur était pas plus pénible
que pendant que Bendigeit Vrân était en vie. » Puis après ces
quatre-vingts ans, ils ouvrent une porte : aussitôt la mémoire leur
revient, leurs fatigues et leurs souffrances également, et ils vont accomplir
le dernier vœu de Brân : ils enterrent sa tête dans la Colline Blanche, à
Londres. (J. Loth, Mab ., I, 142-149).
Étrange histoire que cette « Hospitalité de la Tête
Sacrée » ! Elle a bien des analogies avec le Cortège et avec le
Festin du Graal. D’abord il est question d’un chaudron qui ressuscite les
morts. Ne pouvant le récupérer, ayant échoué dans sa tentative, Brân donne sa
tête à ses compagnons, comme une sorte de substitut au chaudron. Par ailleurs,
Brân est blessé au pied par une lance empoisonnée : comme le Roi-Pêcheur,
il devient impuissant à gouverner, c’est le Roi Blessé.
Quant à la vengeance, elle est nette : c’est pour
venger l’affront subi par Branwen que l’expédition a été montée. Et lorsque les
survivants, en compagnie de Branwen, exposent la tête dans le local où ils se
trouvent, ils perdent notion du temps, ils ne vieillissent plus. La tête joue
exactement le même rôle que le Graal décrit par Wolfram d’Eschenbach :
elle leur procure nourriture et boisson, elle les empêche de vieillir. Ils atteignent
ainsi une sorte de paradis comparable à cette Terre des Fées tant de fois
décrite dans la littérature irlandaise, où il n’y a ni mort, ni souffrance, ni
maladie. La tête leur restitue en somme le paradis qu’ils ont perdu en
naissant, ce qui prouve nettement une fonction maternelle, féminine, et cette
fonction
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