La Femme Celte
vous. »
(Malleville.)
Cette image de la femme-soleil est encore accentuée dans
certains textes où le Graal est vraiment une coupe, comme la Quête du Graal et les ouvrages postérieurs. Mais,
chose curieuse, alors que la signification qui veut en être donnée est de plus
en plus chrétienne (le calice), la référence est néanmoins très celtique
païenne. Car on découvre le motif de la coupe dans plusieurs légendes
irlandaises concernant la Souveraineté, en particulier dans un texte relatif au
roi Conn aux Cent batailles.
L’Extase prophétique
du Fantôme (Irlande). Conn, roi suprême d’Irlande, en se promenant sur
les remparts de Tara, met le pied sur une pierre et cette pierre crie. Les
druides, interrogés, répondent que c’est la pierre de Fâl, et que le nombre de
cris qu’elle a poussés correspond au nombre de rois de la race de Conn qui
régneront sur l’Irlande. Peu après Conn s’égare dans un brouillard magique. Un
cavalier invite Conn à le suivre dans sa demeure. Ils parviennent dans une
plaine où se trouve un arbre d’or, puis dans une maison où Conn aperçoit une
fille « assise sur un siège de cristal et portant une couronne
d’or ». En face d’elle est une cuve d’argent, et tout près une coupe en
or. Le cavalier déclare alors qu’il est le dieu Lug et qu’il est allé chercher
Conn pour lui dévoiler l’avenir de sa postérité. « Et la fille était la
Souveraineté d’Irlande et elle donna de la nourriture à Conn. » Puis elle
lui tend plusieurs fois une coupe de bière rouge [328] en demandant à chaque fois : à qui la coupe doit-elle être donnée. Et Lug
répond en nommant tous les chefs qui régneront après Conn. Alors Lug, la fille
et la maison disparaissent : il ne reste plus que la cuve de bière et la
coupe (Myles Dyllon, The Cycle of the Kings , p. 12.)
Il n’y a aucun doute possible : la fille qui distribue
la coupe est bien la Souveraineté, et le breuvage qu’elle donne à boire à Conn
est le breuvage qui donne la puissance. On pense au mythe germanique de
Kvasir : les Ases et les Vanes ayant craché dans un vase, il en naquit un
homme, Kvasir, que deux nains tuèrent et dont le sang, mêlé à du miel, servit
de breuvage d’inspiration et de sagesse. Mais si le breuvage est magique, comme
celui que Keridwen prépare dans son chaudron, le récipient ne l’est pas moins.
C’est l’objet sacré par excellence. Dans un curieux texte irlandais, il arrive
une aventure à Cormac mac Airt qui ressemble bien à l’aventure de son
grand-père Conn. Il s’égare lui aussi dans un brouillard et parvient à la Terre de Promesse où on lui fait don d’une coupe
merveilleuse qui se brise en trois morceaux si on prononce sur elle trois
mensonges. Dans le même texte, il est question d’une fontaine de Connaissance à
laquelle s’abreuvent les gens de l’Autre Monde [329] .
C’est évidemment une sorte de Fontaine de Jouvence, qui peut prendre parfois
l’aspect de la « Fontaine de Santé ». En effet, dans La Bataille de Mag-Tured , les Tuatha Dé Danann
blessés dans les combats vont se réconforter à cette fontaine qui guérit et
même ressuscite ceux qui ont été tués [330] .
Mais cette coupe, comme tout objet magique, donc sacré, est
ambiguë. Il ne faut pas oublier que dans le chaudron de Keridwen, seules trois
gouttes sont bénéfiques et donnent la connaissance parfaite : le reste
empoisonne toute une rivière [331] . Ainsi dans le récit
des Aventures d’Art, fils de Conn , récit qui
semble être une des versions de la Quête du Graal ,
le thème de la coupe dangereuse se trouve mêlé au thème des épreuves à réussir
pour découvrir la femme élue, but du voyage. Et cette femme élue, qui
représente elle aussi la Souveraineté, est nécessaire à Art pour combattre les
effets d’un geis qui frappe le royaume
d’Irlande. L’analogie avec le Gaste Pays qui
se trouve sous l’effet d’un sortilège, est assez nette, et cette version de
l’histoire présente l’avantage d’être en dehors de tout contexte chrétien, ce
qui permet de mieux analyser les épisodes en fonction de leur valeur propre.
Les Aventures d’Art,
fils de Conn (Irlande) : Parce que le roi Conn aux Cent Batailles a
pris comme concubine Bécuna Cneisgel, une femme des Tuatha Dé Danann exilée de
la Terre de Promesse à la suite d’une faute mystérieuse, l’Irlande est frappée
de stérilité [332] . On tente un
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