La Femme Celte
puisque la femme,
insensiblement, aura assuré sa domination sur le paysage dont il fait partie.
C’est d’ailleurs un des motifs pour lesquels la femme est apparue – et apparaît
toujours à certains – comme un être redoutable, tant sa capacité de possession paraît inséparable de la vision qu’on
peut en avoir. Mais si l’homme craint cette possession, il la recherche. C’est
donc qu’elle lui apporte quelque chose qui lui
manquait avant qu’il ne fît la rencontre de la femme. Nous sommes là en
présence de la trame fondamentale de la légende de Tristan et Yseult, pourvu
qu’on veuille bien faire abstraction de l’aspect parfois romantique de cette
histoire d’amour et en analyser les éléments purement mythiques.
On sait que Tristan et Yseult ,
légende celtique la plus célèbre, nous est parvenue, à partir du XII e siècle, par des textes fragmentaires mais qui
se recoupent tous dans les grandes lignes et qui, par conséquent, témoignent
d’une trame originelle, même si celle-ci a été perdue. Par les détails de
l’histoire, c’est une légende pan-celtique, puisqu’on y trouve des éléments
bretons armoricains, des éléments gallois, des éléments corniques, des éléments
pictes (en particulier le nom de Tristan) et des éléments irlandais. Et tous
ces éléments sont fondus en une grande fresque épique dont la beauté poétique
ne peut faire aucun doute. Nous possédons avec cette légende de Tristan l’un
des chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité.
Les plus anciens textes sont français, plus exactement anglo-normands , ce qui indique une origine ou
armoricaine, ou insulaire, puisque les Normands, maîtres de l’Angleterre, constituaient,
au XII e siècle, les intermédiaires
constants entre les Bretons, grands ou petits, et les Français. Ces textes, ou
ce qu’il en reste, sont complétés par des versions allemandes également
fragmentaires et par une version abrégée scandinave [339] .
Chose étrange, il n’y a rien en langue celtique sur la légende même de Tristan,
sauf quelques épisodes tardifs [340] . Cependant l’ensemble
des textes permet de reconstituer ce que pouvait être la légende primitive [341] ,
et il est intéressant de reprendre cet ensemble en mettant en lumière les
épisodes véritablement mythologiques, quitte à laisser de côté les fioritures
romanesques ajoutées pour le charme littéraire du récit.
Tristan et Yseult :
Fils de Rivalen de Loonois (en Pays de Galles) et de la sœur du roi Mark de
Cornouailles (Kernyw), le jeune Tristan est orphelin. Il est élevé par Rohald
le Foitenant et confié à l’écuyer Gorvenal. Il apprend l’art de la chasse,
l’art militaire et aussi la musique et la poésie. Il excelle à jouer de la
harpe, à chanter et à composer des « lais ». À l’âge de quinze ans,
on l’envoie chez le roi Mark, à Tintagel, qui l’accueille à sa cour sans savoir
qui il est. Trois ans plus tard arrive le terme du tribut dû par le roi Mark au
roi d’Irlande, trois cents garçons et trois cents pucelles réclamés tous les
cinq ans par un redoutable guerrier, le Morholt, frère de la reine d’d’Irlande [342] ,
à moins qu’un chevalier de Cornouailles ne s’oppose à lui. Mais personne ne
veut se risquer contre le Morholt, sauf Tristan qui décide d’aller le combattre
et qui dévoile sa véritable identité à son oncle. Le combat a lieu dans l’Île
Saint-Samson. Tristan est blessé par l’épée empoisonnée du Morholt mais il
frappe mortellement celui-ci, ébréchant même son épée dont un fragment demeure
dans la tête de son adversaire. Tristan est fêté en héros, mais sa blessure
s’aggrave et les efforts des médecins sont impuissants [343] .
Tristan demande alors qu’on le laisse partir sur une barque munie d’une voile,
avec des provisions et sa harpe : il naviguera au hasard, à la grâce de
Dieu vers sa mort ou vers sa guérison [344] . Ainsi est fait. Le
cinquième jour, Tristan aborde en Irlande. Là il est guéri par la reine et sa
fille Yseult. Il a caché son identité et prétend s’appeler Tantris. Pour
remercier la reine, il donne des leçons de chant et de harpe à la jeune Yseult.
Puis il revient en Cornouailles où le roi Mark, qui n’est pas marié, pense
faire de lui l’héritier du trône [345] . Mais les barons,
jaloux de Tristan, somment le roi de se marier. Pour s’en débarrasser, Mark
jure qu’il épousera seulement la fille à qui
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