La Femme Celte
la « fille
mère »), tout cela est assurément le résultat d’une lente conquête et
contribue à l’épanouissement de la femme, même si on est en droit de s’étonner
qu’il ait fallu tant de temps pour en arriver là. Et surtout, c’est dans le
domaine le plus spécifique de la femme, celui qui touche la maternité , que la femme s’est le plus émancipée.
Pendant des siècles, à force de considérer la femme essentiellement
comme une « reproductrice », et de la protéger comme telle (ce qui
permettait évidemment tous les abus de pouvoir), on a fini par la persuader
elle-même de son infériorité. On peut mesurer l’ampleur de cette aberration
quand on analyse le processus dans lequel l’Europe d’entre les deux guerres
mondiales s’est livrée corps et âme aux pires formes de dictature. Les circonstances
économiques, la peur, la fuite devant les responsabilités, l’incapacité de se
prendre en charge, les pulsions émotionnelles les plus louches, n’expliquent
pas tout. « Ce qui est nouveau dans le fascisme, c’est que les masses elles-mêmes consentirent à leur propre
soumission et s’employèrent activement à la réaliser [485] . »
Il y a là une passivité que l’usage identifiait à la féminité. « Hitler
promit que la femme serait soumise à l’homme, l’abolition de l’indépendance
économique de la femme, son exclusion du processus de toute vie sociale déterminante,
et sa relégation à la maison et au foyer. Les femmes, dont la liberté
individuelle avait été supprimée depuis plusieurs siècles et chez qui
s’était développée, à un degré particulièrement intense, la peur d’une manière
de vivre indépendante, furent les premières à l’acclamer [486] . »
Et c’est bien cela qui est terrifiant.
Dans ces conditions, on ne peut guère s’étonner de la réaction
qui a suivi et qui se manifeste par une véritable révolution dans l’attitude féministe : la femme, ayant pris conscience que
son sexe (en fait, son ventre) était propriété exclusive de l’homme, a
brutalement rejeté cette sujétion et s’est posée en être actif, parallèle sinon
antagoniste devant un partenaire masculin jeté à bas de son piédestal et
surtout désacralisé. Cela ne pouvait se faire sans outrance, en retournant le
mépris dont étaient l’objet les femmes vers les hommes, chargés des pires malédictions.
Juste revanche des choses qui a le mérite de renvoyer à chacun une image de
l’autre déconcertante… C’est toujours ce qui dérange qui provoque l’innovation. La femme a donc affirmé, avec violence, que son
corps lui appartenait en propre et que l’homme devait non seulement l’admettre,
mais se préparer à s’en passer. Les tendances homosexuelles des mouvements
féministes ne sont pas d’ordre biologique, mais constituent une arme – très
efficace – qu’Aristophane avait déjà mise en valeur (tout en en démontrant
l’échec) dans son Lysistrata . Mais cette
violence d’attitude et de langage, cette remise en cause, par les femmes, du
principe de la masculinité, a eu pour conséquence une certaine libération
sexuelle de la femme. Dorénavant, grâce à la contraception (et dans une moindre
mesure grâce à l’interruption volontaire de grossesse légalisée), la femme est maîtresse de son ventre , c’est-à-dire libre
d’assumer ou non sa fonction maternelle quand elle le veut et avec qui elle
veut, ce qui est d’une importance exceptionnelle par rapport à toutes les
habitudes et contraintes d’un passé encore très récent.
C’est d’ailleurs le seul aspect vraiment positif de cette
révolution féministe. Car on a essayé de détourner le débat vers une simple
libération sexuelle où le sexe a été considéré comme un but et non plus comme une fonction ,
de la même façon que, pour certains, la voiture individuelle et un appareil
ménager peuvent constituer une finalité et non un moyen pour parvenir à une
autre finalité. Ce n’est pas parce qu’une femme peut avoir des relations
sexuelles – sans danger de grossesse – avec n’importe qui qu’elle verra
s’épanouir sa personnalité : Yseult n’a, que l’on sache, jamais confondu
sa valeur de Femme-Soleil avec une prostitution, fût-elle sacrée. Et la libération
sexuelle de la femme n’a aucun sens si l’homme lui-même n’accomplit pas cette
révolution. Mais c’est là où la pesanteur se fait peut-être sentir le plus
fortement. La
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