La Femme Celte
complémentarité de l’homme et de la femme serait à redéfinir sur
des bases nouvelles, en tenant compte du fait que toute synthèse résulte de
l’absorption des oppositions, voire des contradictions. La libération de la
femme, sur tous les plans, passe par la libération de l’homme, et inversement.
Car le problème de la femme, en dernière analyse, n’est pas
la sexualité, laquelle n’est qu’un moyen et non une
fin pour parvenir à une transcendance à la fois de la corporéité, de la
conscience psychique et de ce que, faute de mieux, on appelle « âme ».
Et si on voulait user d’une kabbale phonétique (seulement valable en français),
le mot « âme » suscite le mot « amour ». L’amour des êtres
et des choses, l’amour des bêtes, l’amour humain, l’amour divin, l’amour de
l’autre en définitive, qui n’est pas différent de l’amour de soi, puisqu’on ne
peut aimer son prochain que si l’on s’aime soi-même. L’amour universel des
êtres et des choses n’est peut-être pas pour demain, mais il est une finalité
absolue : la réconciliation d’un univers déchiré, aussi bien par les
pulsions contradictoires que par la conscience d’une coupure (puisque telle est la signification réelle de « sexe »). Que de
blessures – qui ne saignent pas ! – avant d’en arriver à la cicatrisation.
Sont-ce des jeux de mots ? Sûrement pas : « La raison de
l’amour. La raison d’aimer l’aimée, c’est l’aimée. Et la mesure de l’aimer,
c’est de l’aimer sans mesure. » Ces paroles sont de saint Bernard de
Clairvaux. Elles auraient pu être dites par André Breton, dans L’Amour fou . Oui, vraiment, le problème de la femme,
qu’elle soit contemporaine, qu’elle soit celte, n’est pas autre chose que le
problème de l’Amour.
C’est ce que les dialecticiens chevronnés de l’Église catholique
romaine ne semblent pas avoir encore compris, du moins au niveau de
l’expression. Garant d’une tradition plus que millénaire, dépositaire d’un message qu’aucune personne sensée ne songerait à lui
disputer, le Christianisme roman en est encore à tergiverser à propos de la
femme. Prisonnier qu’il est d’un antiféminisme mosaïque, et cherchant malgré
tout à surmonter sa contradiction interne, ce christianisme officiel,
s’appuyant sur le dogme de l’infaillibilité pontificale (pourtant bien discutable
d’un point de vue strictement théologique), ne pouvait pas ignorer ce problème,
et d’étranges propositions se font jour à travers les tirades ambiguës de
certains textes pontificaux contemporains, pour peu qu’on veuille bien lire
entre les lignes.
Tout se passe en effet comme si on voulait noyer la
« dépendance » de la femme dans l’exaltation de son rôle
« utilitaire ». « La femme est forte par
la conscience de ce qui lui est confié , forte du fait que “Dieu lui
confie l’homme”, toujours et de quelque manière que ce soit, même dans les
conditions de discrimination sociale où elle peut se trouver [487] … »
Autrement dit, la femme doit se soumettre à son destin, l’accepter, et c’est
dans cette acceptation qu’elle trouve sa grandeur, puisque son rôle maternel est ainsi mis en évidence : Dieu lui a
confié l’homme, pas forcément le mâle, mais l’humanité entière. L’exégèse concernant
la Vierge Marie, mère de Dieu, mais également mère de tous les hommes, n’est
pas loin, mais cette exégèse n’est pas dangereuse, puisqu’elle fait silence sur
le rôle provocateur que pourrait tenir la
femme au profit exclusif de ce rôle protecteur ,
c’est-à-dire maternel, dont on la glorifie. Tout cela est plein de bonnes
intentions. Mais ne faut-il pas voir plus loin ? « Si l’homme est
confié par Dieu à la femme d’une manière spécifique, cela ne signifie-t-il pas
que le Christ compte sur elle pour accomplir le sacerdoce
royal [488] . » En somme,
Jésus-Christ ne peut réaliser son destin – triompher de la mort après avoir
subi celle-ci en vue de régénérer l’humanité – sans le secours efficace et
nécessaire de la femme, en l’occurrence la Vierge Marie, modèle de toutes les
femmes. Mais à réfléchir, ces paroles pontificales contemporaines ne sont
qu’une exaltation de la maîtresse de maison, gardienne du foyer, qui nourrit la
famille, et de la parfaite secrétaire qui aide son
patron à diriger quotidiennement son entreprise. C’est, en dernière
analyse,
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