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La Femme Celte

La Femme Celte

Titel: La Femme Celte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’occulter le rôle de
cette dernière dans les textes canoniques ? Et pourtant, n’est-elle pas
Yseult, la Femme-Soleil dans tout son éclat et dans toute sa terrifiante intensité ?
    Terrifiante, elle l’est assurément, à tel point qu’elle
aveugle et que le troupeau des hommes cherche désespérément à se cacher les
yeux devant elle. « On comprend dès lors pourquoi, devant la menace du Tristan , l’Occident a cru bon de dresser la figure
de la dame que l’on aime dans un amour lointain – triste galerie de ces
princesses de Clèves, de ces M me  de Mortsauf, de ces doña
Prouhèze qu’on ne peut jamais posséder et qu’on renvoie dans le ciel de l’amour
idéal pour ne pas affronter ce qu’elles pourraient nous offrir – et qui laisse
cours par là-même, dans un processus dialectique, à la gauloiserie la plus
franche, ou suscite, dans un retour mortifère du refoulé archétype, la figure
légendaire de cette femme fatale si sombrement
magnifique qui a hanté nos consciences depuis la Phèdre de Racine jusqu’à Heide
qui habite les volutes d’Argol [492] , ou certains
personnages de Barbara Stanwick dans la fantasmagorie délirante des studios
d’Hollywood [493] . » Les terreurs
ancestrales sont toujours latentes dans l’inconscient qui est sur le point de
franchir le seuil.
    « Vénéneuse », « fatale »,
« convulsive », « érotique-voilée ». On croirait entendre
les vaticinations des Pères de l’Église en plein délire maniaco-dépressif. Et pourtant,
ce sont des termes employés par des hommes qui reconnaissent – et clament bien
haut – la transcendance du féminin. Le mythe de Circé serait-il l’expression la
plus universelle et la plus intemporelle de la vision de la femme par
l’homme ? « La fille de la mer, charmante et traîtresse, / moitié
femme et moitié poisson, / qui chante pour charmer les marins / et faire briser
leurs navires [494] . » Ce n’est plus
une vague crainte en face de l’inconnu, c’est l’expression même de l’ambiguïté
fondamentale qui existe dans la structure mentale de l’homme, cette
attirance/répulsion qu’il éprouve devant l’être qui lui a donné sa naissance
biologique (ce qu’il accepte bien volontiers) mais qui peut lui donner également sa naissance à l’esprit (ce qu’il refuse avec
terreur). Y aurait-il un point tel dans le psychisme humain où la lumière deviendrait
tellement aveuglante que l’ homo sapiens redeviendrait l’hominien primitif hanté par le vertige de s’engloutir dans les
flammes de l’enfer utérin d’où pourtant il sort tout droit ? Où alors,
faut-il accuser le contexte socio-culturel (et par conséquent religieux)
d’avoir gravé des images infernales (comme sur certaines fresques médiévales) parmi
lesquelles se distingue particulièrement le mythe de la Femme-Hibou
(Blodeuwedd) ou encore l’oiseau de nuit que les Hébreux appelaient
Lilith ?
     
    La Femme-Soleil rôde toujours dans l’inconscient humain,
mais par le jeu du refoulé qui n’ose garder son aspect antérieur, elle devient
Femme-Nuit, se confondant ainsi avec les ténèbres. La culpabilisation des
rapports sexuels, d’origine socio-culturelle, a largement contribué à cet
effacement progressif de la femme en l’homme, et, par voie de conséquence, elle
a provoqué une surestimation du pouvoir masculin dans l’inconscient féminin, ce
qui ne fait qu’alimenter la « guerre » dans laquelle sont engagés,
bon gré, mal gré, les deux sexes. À force de se masquer l’Autre, on risque de
prendre peur de ce qu’on n’ose point voir. À l’angoisse de castration qui
saisit tout être masculin en face d’un être féminin répond, chez la femme, une
méfiance qui touche au morbide, et qui peut s’exprimer, dans certains cas –
psychiques ou mystiques –, par une surévaluation de la virginité. La parthénogénèse
fait partie des fantasmes les plus profonds de la femme, et celle-ci, dans sa
révolte, peut aller jusqu’aux pires aberrations, sans pour autant résoudre son
conflit intérieur. Des comportements comme le refus du soutien-gorge et du
porte-jarretelles en tant qu’objets de l’oppression sadique masculine sont
aussi dérisoires que cette réflexion d’Odon, abbé de Cluny (879-942) :
« Cette grâce féminine n’est que Suburre, sang, humeur, fiel. Et nous qui
répugnons à toucher même du bout des doigts de la vomissure et du fumier,
comment pouvons-nous désirer de

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