La Femme Celte
serrer dans nos bras le sac d’excréments
lui-même ? » L’absurde semble la chose du monde la mieux partagée.
Il est temps de chasser les miasmes délétères qui
s’échappent encore de cette Suburre romaine, tant de fois décriée, mais tant de
fois restaurée dans son ignominie, lieu absolu de toutes les prostitutions, de
l’esprit comme de la chair. L’image de la femme celte, même si elle est rêvée
plutôt que réellement vécue, est incontestablement plus belle et plus riche de
sens que la servile hétaïre par laquelle les Méditerranéens ont trop souvent
remplacé la Déesse des Commencements, celle qu’on honorait à Éphèse, bien avant
qu’on y plaçât la demeure de la Vierge Marie. Ainsi, dans la pleine lumière du
soleil, se dessinent les contours d’une autre femme, « une femme aux
boucles blondes / et aux beaux yeux de fumée. / De digitale sont ses joues
pourpres, / et le trésor de ses dents / est une neige de l’hiver [495] … »
Les poètes seraient-ils les seuls à avoir compris que la femme est, comme
disait Novalis, « le but de l’homme ». Mais il faudrait ajouter
qu’elle est aussi la conscience de l’homme .
Avant d’atteindre Yseult, Tristan doit combattre et anéantir
le Morholt, personnage de l’ombre, qui représente le Chaos originel, son propre chaos à lui, Tristan, sa propre conscience non
encore éveillée , puis, avant d’être en quelque sorte dévoré par les
flammes de la Femme-Soleil dans son amour absolu et incompréhensible, il doit
combattre et anéantir le Dragon, autre aspect des inhibitions ténébreuses qui
s’opposent à toute naissance à la Lumière.
Pour retrouver dans sa plénitude la Déesse des Commencements,
il est nécessaire de détruire les monstres chaotiques et ténébreux qui
s’interposent entre le héros et la Dame de Lumière. Ainsi peut apparaître la
mystérieuse Dana, dont les Irlandais faisaient la mère des Dieux, que les
Bretons ont reconnu, même inconsciemment, sous les traits de sainte Anne, celle
qui peut prendre tous les noms et tous les visages, la Femme-Soleil. « La
treizième revient, c’est encor la première », disait Nerval. En fait,
c’est toujours l’Unique. Elle porte entre ses mains le Graal d’où émane une
lumière surgie de nulle part. Il suffit de le savoir.
Janvier 1989
Saint-Anne d’Auray
REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
AUBAILLY J.-C., La Fée et le
chevalier , Paris, 1986.
D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, Cours de
littérature celtique , 8 vol., Paris, 1883-1895.
BATAILLE G, L’Érotisme ,
Paris, 1957.
BEAUVOIR S. de, Le Deuxième
Sexe , Paris, 1954.
BORON R. de, Le Romain du
Graal , Paris, 1981.
BOULENGER J., Les Romans de
la Table ronde , Paris, 1941.
BRAUNSCHWEIG-FAIN, Éros et Anteros ,
Paris, 1969.
BRÉKILLEN Y., La Mythologie
celtique , Paris, 1980.
BRIL J., Lilith ,
Paris, 1981 ; rééd. 1991.
CARRER P., Le Matriarcat
psychologique des Bretons , Paris, 1983.
CAZENAVE M., La Subversion de
l’âme , Paris, 1981. – Tristan et Yseult ,
Paris, 1986.
CHASSEGUET-SMIRGEL J., La
Sexualité féminine , Paris, 1971.
DAVID C., L’État amoureux ,
Paris, 1967 ; rééd. 1990.
DONTENVILLE H., La Mythologie
française , Paris, 1971. – Dits et récits de la
mythologie française , Paris, 1969.
DOTTIN G., L’Épopée
irlandaise , nouv. édit., Paris, 1981.
DUMÉZIL G., Les Dieux des
Indo-Européens , Paris, 1949.
ÉLIADE M., Traité d’histoire
des religions , Paris, 1971 ; rééd. 1989. – Le Chamanisme , Paris, 1976 ; rééd. 1988. – Aspects du mythe , Paris, 1967.
ÉVOLA J., Métaphysique du
sexe , Paris, 1969.
FARAL E., La Légende
arthurienne , 3 vol., Paris, 1929.
FERENCZI S., Thalassa ,
Paris, 1962 ; rééd. 1992.
FRAPPIER J., Le Chevalier de
la Charrette , Paris, 1967.
FREUD S., Totem et Tabou ,
Paris, 1961 ; rééd. 1989.
GRENIER A., Les Gaulois ,
Paris, 1967.
GUYONVARC’H C.-J., LE ROUX F., Les Druides , Rennes, 1978.
HARDING E., Les Mystères de
la femme , Paris, 1955.
HUBERT H., Les Celtes ,
2 vol., Paris, 1932.
HUCHET J.-C., L’Amour
discourtois , Pontoise, 1987.
LECOUTEUX C., Mélusine et le
chevalier au cygne , Paris, 1982.
LEDERER W., Gynophobia ou la
peur des femmes , Paris, 1970 ; rééd. 1980.
LENGYEL L., L’Art gaulois,
dans les médailles , Paris, 1954.
LÉVI-STRAUSS C., Structures
élémentaires de la parenté , Paris, 1965. – Race
et Histoire , Paris, 1967.
LOTH J., Les Mabinogion ,
2
Weitere Kostenlose Bücher