La Femme Celte
très ancienne camouflée sous l’idée morale
qu’une jeune épousée doit être vierge. En fait il s’agit de l’acte rituel
qu’accomplit le roi en déflorant une vierge, acte considéré comme extrêmement
dangereux et réservé au roi ou au prêtre qui seul est capable de supporter le choc maléfique résultant de l’écoulement du sang
virginal. D’où le fameux « droit de cuissage » qui, loin d’être un
privilège, fait partie des obligations du seigneur
vis-à-vis de ses vassaux. De même lorsque les textes disent que Brangwain prend
la place d’Yseult dans le lit royal, c’est pour expier sa faute, il y a
rationalisation du mythe. En effet, bien que le personnage de Brangwain soit
encore inexpliqué mythologiquement parlant, il est probable que, comme l’a
prétendu Joseph Loth, la suivante d’Yseult est la même que l’héroïne galloise
Branwen, sœur de Brân le Béni. Ce serait alors une sorte de déesse de l’amour,
rôle qu’elle assume nettement dans la légende de Tristan, puisqu’elle est la
dépositaire du philtre. On pourrait aussi la comparer à une autre suivante,
celle de Laudine, la Dame de la Fontaine, car Luned, qui est fée, machine véritablement le mariage de Laudine avec
Yvain-Owein.
[352] Thème bien connu et exploité à outrance par les troubadours. Le Verger
est l’endroit idéal pour la rencontre des amants, car c’est un endroit clos. De
plus la signification symbolique du Verger, ou du Jardin, n’est plus à
démontrer : c’est le Paradis (ce nom
persan veut dire « verger »). Les Amants, réunis dans le Verger,
reconstituent un état primitif paradisiaque. La Femme est donc la Reine du
Verger, comme c’est le cas dans de nombreux contes celtiques ou autres. C’est
dans le Verger de Monbrun que Jauffré tombe amoureux de la reine Brunissen.
C’est dans un verger que le jeune Peredur-Perceval a sa première aventure amoureuse.
Un conte d’Andersen, le Jardin du Paradis ,
raconte l’histoire d’un jeune prince qui parvient dans le verger merveilleux où
règne une jeune fille d’une beauté incomparable ; mais il est soumis à une
épreuve : chaque soir la jeune fille l’appellera et il ne devra pas venir
vers elle. Bien entendu, il succombe dès le premier soir à la tentation et le
Jardin du Paradis disparaît. Cette histoire moralisante est le résultat d’une
culpabilisation du mythe primitif. On peut aussi mettre en parallèle l’Île
d’Avalon où règne la Fée Morgane, et qui est un verger de pommiers, et encore
le Jardin des Hespérides.
[353] Le détail des copeaux se retrouve dans la légende irlandaise de Diarmaid et Grainné , archétype de Tristan, mais là
ce sont les copeaux qui indiquent au roi Finn la retraite où se cachent les
deux amants. Dans le récit de La Mort de Cûroi ,
la femme de Cûroi, Blathnait, donne rendez-vous à son amant Cûchulainn en
versant du lait dans un ruisseau.
[354] Ce sont les gelos et les losengiers des troubadours : ils guettent
constamment les amants, les envient et les dénoncent. Dans de nombreux poèmes
occitans du Moyen Âge, les amants qui passent la nuit dans le verger sont
protégés par un guetteur qui surveille les environs pour déceler la présence
des ennemis du couple.
[355] Psychanalytiquement, comme le roi Mark est le père adoptif (et l’oncle
maternel protecteur) de Tristan, donc l’image du père, alors qu’Yseult, épouse
de l’oncle-père, est le substitut de la mère, il y a là la traduction d’un état
d’angoisse. Tristan et Yseult sont troublés par l’image du père sur les eaux qui vient s’interposer entre eux et
empêcher, momentanément, l’accomplissement de l’acte adultère et même incestueux.
C’est un cas typique d’inhibition temporaire.
[356] La forêt est l’équivalent du verger. De plus c’est un symbole féminin
maternel. Dans la version allemande (Gottfried de Strasbourg), ce n’est pas
dans la forêt de Morois que se réfugient les amants mais dans une grotte dont la voûte est faite de pierres précieuses
et au milieu de laquelle se trouve un lit de cristal. C’est évidemment la Chambre d’Amour , et symboliquement le fond du sexe féminin. Tristan et Yseult, en s’y
réfugiant, y reconstituent la situation antérieure paradisiaque .
En langage psychanalytique, ce serait la réactualisation de la vie
intra-utérine. Et tout cela fait partie d’un rituel érotico-religieux. Comme
nous le dit Denis de Rougemont ( L’Amour
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