La Femme Celte
chassent les Tuatha Dé Danann,
constructeurs de mégalithes et introducteurs de la magie druidique. Il est bien
évident que le Morholt, arrivant par la mer au large des côtes de Cornouailles
et combattant Tristan dans une île, est un Fomoré, c’est-à-dire une sorte de
divinité maritime, au même titre que le Minotaure enfermé au fond du labyrinthe
(lisez au fond de la mer) de la Crète. Le Morholt et le Minotaure sont tous
deux issus de la mythologie indo-européenne ancienne, ils sont les deux aspects
d’un même thème, probablement un souvenir d’une lutte ancienne entre des
peuples maritimes et des peuples terriens soumis aux premiers, autrement dit la
trace d’une rivalité entre civilisation maritime et civilisation terrienne. À
moins qu’en allant au-delà du symbole, il ne faille voir dans le Morholt, frère
d’une reine magicienne, et dans le Minotaure, fils de la déesse honnie
Pasiphaé, les défenseurs d’une certaine gynécocratie face aux tenants de
l’ordre masculin qui veulent (Tristan comme Thésée) se libérer du joug féminin.
Mais cela n’est que pure hypothèse.
[343] Il faut noter que Tristan est blessé à la hanche. C’est évidemment une
blessure symbolique comme celle du Roi-Pêcheur à la cuisse.
[344] C’est un thème très fréquent dans la mythologie celtique : le
héros se laisse porter par les flots et les vents dans une barque sans pilote.
Dans Les Aventures d’Art, fils de Conn ( Cf. J. M., L’Épopée celtique d’Irlande ,
p. 186-187), le roi d’Irlande Conn aux Cent batailles, puis son fils Art
confient eux aussi leur destinée à une barque naviguant au hasard sur la mer et
qui les amène dans une île où règne une fée bienfaisante. La fameuse « nef
de Salomon » de la Quête du Graal est une
embarcation sans pilote qui mène les héros vers le Graal. Il y a sans doute là
la même tradition que chez Procope ( De bello gothico )
à propos de la mystérieuse navigation des âmes sur des barques non dirigées et
qui aboutissent à l’île des Bretons. Mais la légende la plus proche de
l’histoire de Tristan paraît être celle de Guigemar, d’origine armoricaine
probablement, comme tous les « lais » de Marie de France. En effet,
Guigemar, blessé par une flèche à la cuisse, ne pourra être guéri que par la
femme qui l’aimera et qui souffrira pour lui, et c’est en s’embarquant sur une
nef sans pilote qu’il parviendra à la cité où réside la femme prédestinée.
[345] C’est un trait typique de filiation matrilinéaire : Mark est
l’oncle maternel de Tristan, donc non seulement son père adoptif mais aussi le
dépositaire des biens maternels. On peut comparer les rapports entre Gwyddyon
et son oncle maternel Math dont il est l’héritier, notamment quant aux pouvoirs
magiques.
[346] Il est évident que l’hirondelle est Yseult ,
amoureuse de Tristan, et qui vient rôder autour de lui. C’est encore un thème
fréquent dans la mythologie celtique, celui de la femme-oiseau. Il ne faut pas
oublier que la reine d’Irlande est magicienne, que sa fille Yseult a appris
cette magie. Or, comme la légende, dans l’état où nous la connaissons, est
historicisée, il est fort probable que la reine d’Irlande est la transposition
de la reine de l’Île des Fées, telle Morgane, qui, elle aussi, peut se
transformer en oiseau. Quant à la reconnaissance du cheveu d’Yseult par Tristan,
il témoigne d’un certain intérêt inconscient de celui-ci pour la jeune princesse.
[347] Thème que nous avons déjà étudié : c’est celui de la caverne
interdite et protégée par un serpent, autrement dit de la femme qui est possédée par le Père. C’est en tuant
le serpent – c’est-à-dire le père – que Tristan obtient la fille.
[348] Ce qui prouve qu’Yseult aime déjà Tristan.
[349] C’est encore la preuve qu’Yseult aime Tristan et qu’elle est
horriblement déçue de l’attitude de Tristan qui l’a demandée en mariage pour un autre . Dans le film L’Éternel Retour , Jean Cocteau a fort bien mis en
valeur cet épisode essentiel pour comprendre le mécanisme du mythe.
[350] Le fait de boire le philtre est une justification de l’amour adultère
de Tristan et Yseult auprès du public chrétien. Mais comme nous le verrons, le
philtre, bien qu’il ait revêtu une vague apparence magique, est le thème
primordial, d’origine celtique très ancienne, de tout le mythe de Tristan.
[351] Rappel d’une croyance
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