La Femme Celte
comme multiforme ,
changeant de visage et d’aspect, puisque Peredur ne la reconnaît pas. De là, on
peut conclure qu’elle réapparaît ensuite sous d’autres formes et que c’est en
tout cas la même que la jeune fille avec qui Peredur est resté trois semaines,
la même qu’Ygharat à la main d’or. On voit ainsi toute la différence qui existe
entre le texte gallois et les récits de Chrétien de Troyes et de ses
successeurs, qui insistent uniquement sur le personnage de
Blanchefleur-Condwiramur, tout en peuplant la quête d’êtres féminins plus ou
moins féeriques, sinon diaboliques.
[321] C’est Kundry la Sorcière. Elle aussi a les cheveux noirs. Elle est
donc un autre aspect de l’Impératrice qui vient relancer Peredur, lequel a
l’air d’avoir oublié sa mission.
[322] La Jeune Fille à la Mule vient de donner la clef du parcours, en même
temps que le sens de la quête : il s’agit d’aller délivrer une jeune fille
prisonnière. Or, ce n’est ni plus ni moins que la Souveraineté .
Mais seul Gauvain comprend le message et c’est lui qui arrivera le premier au
Château des Merveilles, c’est lui qui, dans cette version de la légende,
deviendra véritablement le roi du Graal . Peredur, dans son entêtement et dans
son aveuglement, ne pourra accomplir que l’acte final de la vengeance. Cet
épisode a aussi le mérite de montrer que le rôle de Gauvain, devenu secondaire
encore que très étendu, chez Chrétien et ses successeurs, était beaucoup plus
important dans l’archétype celtique de la légende.
[323] C’est encore un autre aspect de l’Impératrice qui parfait ainsi
l’éducation de Peredur en l’obligeant à accomplir de nouveaux exploits.
[324] La jeune fille noire est évidemment l’Impératrice elle-même.
[325] C’est l’Impératrice, mais son aspect ressemble ici à celui de
Rhiannon-Épona.
[326] Ce qui veut dire que la mort du cerf était un sacrifice rituel
nécessaire.
[327] Détail curieux, c’est un jeune homme blond, cousin de Peredur, qui lui
raconte tout cela, en prétendant qu’il lui est déjà apparu sous l’aspect de la
« jeune fille noire ». Cela montre en tout cas le pouvoir magique –
et divin – de l’Impératrice qui peut non seulement changer de forme, mais aussi
de sexe. Or, comme le jeune homme est le cousin de Peredur, comme la Porteuse
du Graal de Chrétien est la cousine de Perceval, on peut dire que tout cela est
une affaire de famille, mais de famille maternelle, une sorte de succession
matrilinéaire. Peredur qui est l’élève des Sorcières a désormais tous les
pouvoirs de celles-ci. Elles peuvent disparaître. Il est à la fois l’héritier
de son oncle maternel et des Sorcières de Kaerloyw.
[328] Il y a un jeu de mots, dans le texte irlandais, entre flaith , souveraineté et laith ,
breuvage.
[329] Les Aventures de Cormac à la Terre de
Promesse , T. P. Cross-Slover, Ancient
Irish Tales , p. 503 sq.
[330] « La fontaine porte un autre nom, lac
des herbes , parce que Dian Cecht (le dieu médecin) y avait mis un brin
de chaque herbe qu’il y avait en Irlande » (G. Dottin, L’Épopée Irlandaise , p. 45). Cette fontaine
fait penser au chaudron de Brân et au chaudron dans lequel Peredur voit
renaître un jeune homme mort. Le breuvage de guérison est bien connu en
Irlande. Dans l’ Agallamh na Senorach ( Colloque des Anciens ), nous voyons le héros Cailté,
fils d’Oisin, blessé à la jambe et allant trouver saint Patrick pour lui
demander : « Conduis-moi à l’endroit où habite Aed Minbrecc
d’Assaroe ; sa femme Bedind, fille d’Elcmar, possède le breuvage de
guérison et le remède des Tuatha Dé Danann ; c’est elle qui possède ce qui
subsiste au Festin de Goibniu » ( Agallanh na
Senorach , 6789). Un texte du Livre de Lismore (f° 23 b A) nous
présente saint Patrick interrogeant une femme-fée : « Comment
avez-vous pu maintenir à ce degré votre aspect et votre forme ? – Tous
ceux qui ont bu du Festin de Goibniu, dit-elle, n’ont jamais subi de peine ni
de maladie. » Ce festin de Goibniu est un festin
d’immortalité (titre d’un ouvrage de Georges Dumézil sur ce sujet) au
cours duquel on boit un breuvage mystérieux qui donne la santé et
l’immortalité. Il faut noter, d’après le Livre de Fermoy ( Irische Texte , I, 198), que c’est
Mananann mac Lir qui établit les Tuatha Dé Danann dans les souterrains et les
nourrit grâce à ce festin de Goibniu. Il est donc
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