La Femme Celte
littérature européenne de tous les anciens mythes celtiques ;
l’époque contemporaine, qui verra, sans aucun doute, une véritable remise en
place de la condition féminine, est aussi l’époque de la redécouverte du
celtisme sous tous ses aspects. Et que penser du fait que tous les grands
sanctuaires voués au culte de la Vierge Marie sont pour la plupart des lieux
consacrés à une divinité celtique féminine, ne serait-ce que la cathédrale du
Puy-en-Velay ou Notre-Dame de Chartres [9] ?
Il ne s’agit pas de prôner outre mesure la société celtique,
qu’elle soit bretonne, galloise, irlandaise ou même gauloise. Ne nous leurrons
pas : ce furent et ce sont encore des sociétés paternalistes. Les Celtes
étaient des Indo-Européens et tous les Indo-Européens furent des missionnaires
ardents de la conception paternaliste. Les Celtes n’ont pas échappé à la règle.
Mais comme ils n’étaient qu’ une élite guerrière et
intellectuelle peu nombreuse par rapport aux populations autochtones
qu’ils soumettaient, s’ils ont imposé leurs usages sociaux, leur langue et une
religion unique, ils ont aussi assimilé des systèmes qui n’étaient pas les
leurs. Parmi les peuples qu’ils ont soumis et dirigés, à l’ouest de l’Europe,
se trouvaient tous les rescapés des civilisations précédentes, ramassés dans la
frange atlantique, et qui avaient gardé leurs propres structures de pensée. La
preuve en est que c’est au Pays de Galles et en Irlande, aux époques déjà
chrétiennes, que nous trouvons le plus d’archaïsmes, et des archaïsmes qui dénotent
des influences non-indo-européennes beaucoup plus prononcées que sur le
continent même.
Alors une constatation s’impose, mais elle est
essentielle : parmi le concert des peuples indo-européens, porteurs des
structures mentales du paternalisme, les peuples celtiques se présentent à la
croisée des chemins, et comme les héritiers de sociétés qui n’étaient pas de
type paternaliste. Cette constatation primordiale repose sur la connaissance
très correcte que nous avons du droit celtique : nous y voyons que la
Femme y jouissait de prérogatives qui auraient fait mourir d’envie les Romaines
de la même époque, et qu’il existait un équilibre entre le rôle de l’Homme et
celui de la Femme, équilibre qui n’était pas dû à la supériorité de l’un sur
l’autre, mais à une égalité dans laquelle chacun pouvait se sentir à l’aise.
Car il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’abus inverse. L’Homme n’a pas à
être colonisé par la femme même s’il le mérite : la société serait encore
une fois bancale, mais de l’autre côté [10] .
Et puis, il y a les Mythes. Tout n’était pas parfait dans la
société celtique. Comme les Celtes se distinguent particulièrement par leur
esprit anti-historique et qu’ils rêvent leur histoire plutôt qu’ils ne la
vivent, force nous est de nous attacher particulièrement aux Mythes celtiques
de la Femme. Ils seront en effet révélateurs à deux degrés divers :
d’abord parce que les Mythes transmettent de façon symbolique les réalités du
Passé ; ensuite parce que les Mythes transcendent la réalité et deviennent
l’expression la plus pure des structures idéales de la pensée d’un peuple.
Allons plus loin : puisqu’il s’agit des Celtes, peuples qui ont toujours
rêvé leur histoire, ce n’est pas dans l’Histoire que nous découvrirons le fond
de leur pensée, mais dans les Mythes qu’ils nous ont légués et qui sont le
reflet fidèle de cette pensée [11] .
Bien entendu, ces Mythes s’interprètent. Ils existent même
pour cela. Sinon, ils ne constitueraient qu’une belle histoire à raconter aux
enfants, encore que le système de logique des Celtes soit peu en rapport avec
le système si communément dispensé par notre éducation gréco-romaine. Il est
courant, de nos jours, de prétendre que nous faisons revivre les mythes
anciens, que nous les réactualisons, que nous les revivons, parce que l’être
humain ne peut pas vivre sans incarner lui-même un mythe qui le transcende, qui
le rattache à une valeur supérieure, quelle que soit cette valeur, politique,
religieuse ou artistique. Mais incarner un mythe, n’est-ce pas l’interpréter
aussi ? Le Mythe est nécessairement fécond, sinon il n’existerait pas, ou
bien on l’aurait oublié. Mais il n’y a rien de plus tenace qu’un mythe :
il constitue une réalité de la
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