La Femme Celte
pensée. C’est, comme le dit Mircea Éliade,
« une histoire vraie parce qu’il se réfère toujours à des réalités »
( Aspects du Mythe , p. 15).
Si l’on veut reprendre un raisonnement marxiste, l’Homme
doit connaître l’Histoire, l’interpréter et la projeter dans le futur, compte
tenu des modifications à y apporter. En l’occurrence, dans le domaine celtique,
l’Histoire, c’est le Mythe : c’est-à-dire que la connaissance de
l’Histoire se trouve déjà sur un plan mythique ;
à ce moment, la réalité de pensée constituée par le mythe prend une valeur
opératoire certaine, puisqu’elle permet d’influer sur la réalité de la vie. Évhémère
avait peut-être raison quand il disait que les Mythes étaient des déformations
d’événements historiques et que par conséquent les dieux étaient des héros
divinisés. Mais il ne voyait qu’un aspect du problème, car la dialectique Histoire-Devenir-Mythe est ambivalente et peut
facilement se retourner en Mythe-Devenir-Histoire .
Sans chercher à savoir qui a précédé l’autre, ce qui nous ramènerait à la
querelle bien connue de l’œuf et de la poule (d’ailleurs, aux dernières
nouvelles, ce serait l’œuf qui aurait précédé la poule, par conséquent le Mythe
aurait précédé l’Histoire), bornons-nous à affirmer que le Mythe a toujours eu
une action sur l’Histoire : autrement les grands personnages de l’Histoire
n’auraient pas agi comme ils l’ont fait, et surtout, ils n’auraient pas eu la
vocation, les exemples en ce domaine ne manquent pas.
Il s’agit donc, après une incursion dans le droit celtique
tel que nous le connaissons, et de source parfaitement authentique, de partir
d’une interprétation des mythes celtiques relatifs à la Femme et d’essayer d’en
déterminer les tenants et aboutissants. Cela nous conduira à deux sortes de
constatations. La première sera purement documentaire : savoir quels ont
pu être le rôle et la situation de la Femme dans les civilisations qui
n’avaient pas encore atteint complètement la structure paternaliste. La seconde
sera théorique : le Mythe représentant une situation idéale, que
pouvons-nous attendre de lui pour nous permettre d’y voir plus clair dans le
problème de la Femme au XX e siècle, que
pouvons-nous attendre du Mythe de la Femme tel qu’il nous est livré dans les
littératures celtiques ou d’inspiration celtique ? La réponse à cette
dernière question, en dehors du fait qu’elle actualise un passé jusqu’alors
trop négligé, pourra peut-être servir à repenser les structures mentales d’une
société plus largement humaine où l’Homme et la Femme cesseront de se livrer le
combat sournois par lequel ils ne cessent de s’affaiblir depuis des siècles.
BIEUZY-LANVAUX.
1971-1972.
PREMIÈRE PARTIE - La femme
dans les sociétés celtiques
CHAPITRE PREMIER - Le contexte historique
Avant d’étudier le comportement, la fonction et le rôle effectif
de la Femme à travers les différentes sociétés celtiques, il importe de
délimiter celles-ci et de les caractériser par rapport à des sociétés qui leur
sont contemporaines et aussi par rapport à des sociétés plus éloignées par le
temps mais qui auraient pu, dans certains cas, conserver des éléments celtiques
contrôlables.
Les pays qui sont indiscutablement celtiques sont ceux qui
parlent, même partiellement, une langue celtique. Ces pays celtophones sont à
l’heure actuelle l’Irlande, le Pays de Galles, la Bretagne armoricaine, et dans
une moindre mesure l’île de Man et l’Écosse. Mais ce serait ignorer volontairement
une partie importante de nos sources que de nous borner à l’étude de ces pays.
Les Celtes ont occupé, à l’âge du fer, la quasi-totalité de l’Europe
occidentale et ont évidemment marqué celle-ci en de nombreux domaines, ne
serait-ce que la toponymie, ou la tradition folklorique, ou même certains
usages repris par le droit coutumier et qui ont pu influencer les codes
législatifs modernes.
C’est alors un vaste champ d’exploration qui s’ouvre devant
nous, entre le Rhin et l’Atlantique, avec parfois des prolongements inattendus
en Europe centrale et orientale : le territoire de l’ancienne Gaule,
d’abord, comprenant la France, la Belgique, l’Allemagne rhénane, la Suisse et
la plaine du Pô ; puis le Nord-Ouest de l’Espagne où la civilisation des
Celtibères dégage, au milieu d’influences diverses et
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