La Femme Celte
privilège à
l’égard des enfants et n’a pas droit à leur affection, il est obligé de tout
faire pour gagner celle-ci ; et d’autre part, n’étant pas surmené par les
ambitions et les responsabilités économiques, il est d’autant plus libre et
disposé à laisser s’épanouir ses instincts paternels [167] ».
Ainsi la société paternaliste, en insistant sur le rôle biologique
du père, renforce toutes les sources de conflits de nature œdipienne et détruit
l’équilibre des instincts fondamentaux qui persiste dans la société
matrilinéaire, puisque la relation au père ne peut être qu’une relation
désintéressée, exempte de toute autorité, et surtout de tout abus d’autorité.
Là se trouve le nœud du problème concernant les rapports familiaux, puisque la
famille est la base même de la société. Or, il ne semble pas que l’instauration
du cadre paternaliste ait été un progrès sur le cadre antérieur, même si ce
cadre antérieur, à tendances gynécocratiques, n’était point parfait. Le
témoignage en est dans les traditions mythologiques des peuples, et notamment
dans les traditions concernant les fondateurs de religions ou les grands
théoriciens religieux. Les plus fameux sont en effet nés dans des conditions
obscures, et leur filiation est matrilinéaire. Moïse fut recueilli sur les eaux
du Nil, flottant dans une corbeille d’osier. On nous dit qu’il était hébreu.
Mais c’est la fille du Pharaon qui le recueille et le fait élever. Le symbole
est très clair : c’est la fille du Pharaon qui est la mère, puisqu’elle le
découvre et le fait apparaître au jour. Quant au père, c’est un Hébreu,
évidemment, mais inavouable pour la Princesse. Le texte de l’ Exode parle bien d’un homme de la maison de Lévi qui
aurait épousé une femme de la maison de Lévi. Mais on sait que l’ Exode a été sinon écrit, du moins inspiré par Moïse
lui-même : comment celui-ci aurait-il pu avouer que sa mère était
égyptienne ? Pourtant, l’enseignement mosaïque porte la double marque de
l’esprit juif et de l’esprit égyptien, il ne peut y avoir de doutes là-dessus. Et
d’ailleurs, ce refus de la mère, chez Moïse, peut expliquer les tendances
paternalistes de sa Loi. Quant à Jésus, il n’a pas de père charnel, cela va
sans dire, et son seul lien avec les humains passe par sa filiation
matrilinéaire qui le fait remonter au roi David : Jésus est l’exemple le
plus pur d’une société gynécocratique dans lequel le père ne joue aucun rôle.
Saint Joseph est exactement le même type de père que nous trouvons dans les
sociétés océaniennes, père nourricier, père affectif, sans plus. Et le
Christianisme, à l’origine du moins, car saint Paul y viendra mettre bon ordre,
a été une révolution dans un milieu
paternaliste, une tentative pour redonner à la Mère son véritable rôle. D’ailleurs
l’action de Jésus qui vise à ruiner la religion du Père (Judaïsme) pour la
remplacer par la religion du Fils (Christianisme), est assez
significative : c’est la révolte œdipienne. Et c’est la Vierge Marie qui
se trouve au pied de la Croix. Et c’est à elle que Jésus donne Jean comme fils,
son véritable substitut, à Jean qui symbolise l’humanité.
Et avec toutes ces considérations, nous abordons le problème
de la Vierge qui enfante. Que de bêtises, que de puérilités, que de contresens
n’a-t-on pas entassés sur la Virgo paritura !
Pourtant c’est avec ce thème qu’on arrivera à comprendre vraiment le concept de
la Déesse Mère. Et d’abord, pour continuer dans le domaine celtique, revenons à
la légende de saint Connerin. Il est évident que la figure de ce saint a
éclipsé celle de sa mère, de sa seconde mère, dont on ne sait même pas le nom.
Mais c’est une jeune fille « bien sous tous les rapports ». On est
évidemment assez perplexe devant le fait qu’elle arrive chez elle un soir en se
plaignant du ventre. Ce ne peut être son indisposition mensuelle, puisqu’elle
absorbe à ce moment la pomme et devient enceinte. Il y a certainement autre
chose que les conteurs ou conteuses populaires ont laissé prudemment de côté. Et
d’insister sur la pureté, sur la virginité de
la jeune fille. On remarquera au passage que ce sont les sociétés les plus
paternalistes, et par conséquent les sociétés qui considèrent le plus la femme
comme une « machine à plaisir ou à reproduction », qui ont le
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