La Femme Celte
à son neveu Gwyddyon, ce qui se réfère à une
tradition matrilinéaire, puisque l’héritage se transmet d’oncle maternel à
neveu. Mais lorsque Math fait passer Arianrod au-dessus de sa baguette,
celle-ci prend un sens nettement phallique. Cela joint au fait que Math est
atteint d’une infirmité qui ressemble à celle du Roi-Pêcheur (il est blessé à
la jambe, euphémisme bien connu pour blessé aux parties sexuelles, donc impuissant),
fait de ce geste un rituel de magie sexuelle en relation avec certaines
croyances fort obscures sur la virginité. Il faut noter qu’Arianrod se prétend
vierge, et qu’elle semble la première étonnée de constater qu’elle donne
naissance à deux enfants. D’ailleurs elle refuse de reconnaître ses enfants et
plus particulièrement Lleu Llaw Gyffes. Là nous tombons en plein mystère, car
d’après le contexte, il apparaît que le père pourrait bien être Gwyddyon
lui-même. Il s’agit donc d’un inceste fraternel, d’une sorte d’union sacrée
entre le frère et la sœur, tous deux enfants de la déesse Dôn, et nous pouvons
y reconnaître, sans y insister, Apollon et Artémis, les deux enfants de Lêto et
de Zeus. Cependant Gwyddyon semble tout à fait certain de la virginité de sa
sœur, puisqu’il la propose sans hésiter à son oncle pour remplacer celle que
Gilvaethwy a outragée. Alors, que penser de ces détails confus et
contradictoires ?
La réponse à cette question pourrait bien surgir d’elle-même
après une discussion sur la Virginité , car on
a l’impression que le mot n’a pas toujours désigné la même chose au cours des
temps, qu’il n’a pas toujours été compris de la même façon par tout le monde,
même par des gens appartenant à la même société. Cette histoire de la virginité
d’Arianrod, vierge sans l’être, mère sans le secours d’un homme – à moins que
ce ne soit grâce à son frère – touche au problème le plus essentiel de la
Déesse-Mère : dans les temps où la société était gynécocratique, la Déesse
était seule, c’était la Déesse Primordiale, la Déesse des Commencements. Quand
peu à peu, la société est devenue paternaliste, on a représenté la Déesse avec
un Dieu-Père, avec lequel elle partageait la responsabilité du monde et de la
vie : c’était le Couple sacré, comme par exemple celui d’Isis et d’Osiris.
Puis, dans la plupart des cas, les souvenirs de l’ancienne société
gynécocratique ayant été étouffés, la déesse a disparu pour laisser son trône
au Dieu Père tout-puissant, de type jupitérien, ou du type hébraïque, car
Iahweh est le représentant le plus typique du culte mâle et guerrier qui est
parvenu à éliminer la Femme. Mais en vertu du principe qui fait que
l’inconscient garde plus longtemps les souvenirs et les mémorise sous formes
d’images symboliques réactualisées et projetées dans un nouveau cadre, la
déesse fait une nouvelle apparition dans les cultes paternalistes, comme en
témoigne le culte chrétien de la Vierge Marie. Il semble bien que, dans
l’histoire d’Arianrod, nous ayons toute cette évolution, ce qui explique les
détails confus et même contradictoires.
Car enfin, qu’est-ce qu’une Vierge ? Le mot français
vient du latin Virgo , et a été introduit dans
la langue courante à partir du terme religieux qui désigne certaines saintes du
calendrier chrétien. En fait le mot latin ne signifie que jeune fille , sans autre précision, c’est-à-dire
« femme non mariée », mais il n’est aucunement question de chasteté.
Le sens de jeune fille physiquement pure ne peut être rendu que par
l’expression virgo intacta . Le mot virgo a donné en breton gwerc’h ,
jeune fille et Gwerc’hez , Vierge au sens
chrétien, ainsi que le gallois meirch , fille.
La racine celtique équivalente à celle qui a donné le latin virgo , est * wraki ,
dont nous retrouvons les dérivés dans le breton gwreg ,
épouse, et le gallois gwraig , femme. Un autre
dérivé de * wraki a été le celtique * wrakka , qui a donné le breton grac’h (ou groac’h ),
vieille femme, puis sorcière, et nous le retrouvons dans le gaulois virago qui a été adopté par les Latins avant d’être emprunté
tel quel par le français. On peut voir à tous ces mots une ancienne racine
indo-européenne werg , qui signifie
« enfermer ». La Vierge serait donc la « femme enfermée sur
elle-même », ce qui pourrait facilement correspondre à l’idée
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